Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 110
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
115
langage au sujet d’un autre langage. »17 Il s’agit « d’une pensée mê-
me de la puissance, une puissance même en acte ».18 D’après lui,
l’œuvre de Cixous porte sur les façons d’inscrire la vie ou la mort et
d’articuler les deux.19 Elle privilégie la vie et l’accompagne de son
positionnement du côté du fictionnel et du poétique. Le poétique
n’est pas pour elle limité au vers. Cela porte sur une délivrance des
stigmates sociaux par la libération du langage, à travers l’invention
de nouvelles façons de parler et d’écrire, mais aussi de nouvelles fa-
çons de voir, d’entendre, de toucher et de goûter. C’est toujours la
relation à l’autre, à l’altérité, qui permet une ouverture à
l’indécidable et à l’imprévisible. En s’appuyant sur la pensée
d’Emmanuel Levinas, Derrida affirme que « la déconstruction est la
justice »20 et que la justice est l’expérience de l’indécidable ; être jus-
te c’est avoir conscience de la responsabilité illimitée que l’on a en-
vers l’autre en tant qu’une forme d’existence qui dépasse notre en-
tendement et notre pouvoir. Derrida souligne que l’œuvre de Lévi-
nas annonce une mutation dans l’espace géopolitique de la socialité.
Cette mutation est juridico-politique, mais elle est principalement
une transformation radicale de l’éthique qui se doit de prendre en
compte que les exigences de la justice priment sur celles de la
connaissance. En fait, il affirme que la justice est indécision ; être
juste c’est reconnaître la responsabilité infinie portée pour l’autre,
lequel ne peut être ni contrôlé, ni jugé.21 C’est précisément cette ex-
périence de la justice qui nous force à une responsabilité politique
qui consiste à reconnaître qu’une décision ne peut être juste ou libre
que si elle a été incertaine.
Dans « H. C. pour la vie, c’est à dire… », Derrida examine le
rôle de l’indécidable en relation avec le secret, qui est aux limites du
poétique, du rêve et du « réel ». Les secrets et la potentialité de la lit-
17 Jacques Derrida, « H. C. pour la vie, c’est à dire… », dans Calle-Gruber, Hélène Cixous, croisées
d’une œuvre, p. 127.
18 Ibid., p. 127.
19 Voir en particulier ibid., pp. 13–140.
20 Jacques Derrida, Force de loi, Paris : Galilée, 2004, p. 35.
21 Voir Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris : Calmann–Lévy, coll. « Petite Bibliothèque des
Idées », 1997 ; Jacques Derrida, Cosmopolites de tous les pays, encore un effort, Paris : Galilée, 1997 ;
Jacques Derrida, Adieu à Emmanuel Lévinas, Paris : Galilée, 1997.