Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 105
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 6/2014
110
les entretiens – dès ses premiers écrits jusqu’aujourd’hui. Toutefois,
sa notion est problématique et ambivalente, comme d’ailleurs, la no-
tion, dans son œuvre, de tout concept ayant la tendance à figer ou à
arrêter le discours. Elle problématise le terme et en dénonce certains
usages ou abus mais elle ne le rejette pas. En 1979, elle publie déjà
un article intitulé « Poésie e(s)t politique ».1 Ainsi que le titre
l’indique, elle y soutient d’une part que la poésie est politique et,
d’autre part, que la poésie entretient des rapports avec le politique ;
la conjonction de coordination mène, certes, à une unité mais elle
entraîne aussi le pluriel — le pli, la complication. Quand Cixous
prend ses distances par rapport à ce terme c’est par « précaution »2
ou pour souligner que sa « vocation »3 est littéraire et pas politique
(dans la mesure où ce mot renvoie à des clichés d’actualité, à ce qui
se laisse politiser ou à ce que l’on appelle « politique politicienne »).
Néanmoins, « la question éthique du politique, ou de la responsabi-
lité [l’]a toujours hanté, précise-t-elle dans Photos de racines, comme
[…] elle hante toutes les lucioles que la flamme de la bougie-art atti-
re irrésistiblement ».4 Elle est, rajoute-t-elle, « toujours en alerte » et
« toujours tourmentée par les injustices, les violences, les meurtres
réels et symboliques ».5
Le politique ne se limite ni dans la littérature ni dans l’espace
social ou culturel à la lutte pour le pouvoir, à la pratique du pouvoir
ou à ce qui a pour centre une référence à des événements historico-
politiques proprement dits. Cixous signale dans un entretien, tout
en précisant avoir honte d’avoir à le dire, qu’elle ne peut pas diviser
1 Hélène Cixous, « Poésie e(s)t politique », Des femmes en mouvements hebdo, no. 4, 30 novembre
1979, pp. 28–33.
2 Voir par exemple : Hélène Cixous, Daniel Mesguich, Marie-Claire Ropars, Jacques Derrida,
« Débat » dans Mireille Calle-Gruber, Hélène Cixous, croisées d’une œuvre, Paris : Galilée, 2000, p.
462.
3 Voir par exemple : Mireille Calle-Gruber et Hélène Cixous, Hélène Cixous, photos de racines, Pa-
ris : Des femmes, 1994, p. 15.
4 Dans Hélène Cixous, Photos de racines, Hélène Cixous précise : « Ce qui me lie à ma parenté
élective, qui me tient dans l’attirance de mes guides spirituels, ce n’est pas la question du style
ni des métaphores, c’est ce à quoi ils pensent sans arrêt, l’idée du feu, sur laquelle nous gar-
dons un silence complice, afin de ne pas cesser d’y penser. Aucune complaisance. Seulement
l’aveu de la peur du feu. Et la compulsion d’affronter la peur » ; Calle-Gruber et Cixous, Hé-
lène Cixous, photos de racines, p. 35.
5 Ibid., p. 15.