Milli mála - 01.06.2014, Qupperneq 46
LES USAGES STYLISTIQUES DE L’IMPARFAIT
Milli mála 6/2014
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Ce dernier exemple illustre un usage répandu de l’imparfait
appelé imparfait de clôture. Il est caractérisé par la présence dans la
même phrase d’un complément circonstanciel qui indique une pé-
riode relativement brève et marque le fait que l’action exprimée à
l’imparfait est vue comme se réalisant immédiatement après cette
période. On remarque de surcroît que « se présentait » exprime une
action pratiquement ponctuelle ce qui empêche la vision de
l’intérieur caractéristique de l’aspect imperfectif.
Le moins qu’on puisse dire est que la valeur imperfective de
l’imparfait ne joue dans ces exemples aucun rôle pour
l’inteprétation générale du texte. Malgré l’apparente facilité avec la-
quelle on le remplacerait par le passé simple, la question reste de sa-
voir si l’imparfait n’apporte pas dans ces usages un supplément de
sens ou s’il n’entraîne pas tout simplement une autre interprétation
de l’énoncé.
L’approche inactuelle de Pierre Le Goffic12
L’approche inactuelle a été initialement proposée par Jacques Da-
mourette et Édouard Pichon qui introduisent le concept « toncal »
pour décrire une valeur invariable de l’imparfait, en opposition au
« noncal » du présent :
Notre langue conçoit que les phénomènes, avec leur durée propre, avec
leur caractère de procès de déroulement, c’est-à-dire avec ce que nous ap-
pelons leur caractère actuel, peuvent être conçus : soit en synchronie et
en coréalité avec le moi-ici-maintenant, ce qui constitue le centre actuel de
l’actualité noncale, exprimé par le savez [=Présent] ; soit en dehors de cet-
te synchronie et de cette coréalité, ce qui constitue le centre actuel de
l’actualité toncale, exprimé par le saviez [=Imparfait]. Il n’y a donc qu’une
seule ère noncale, celle dont l’origine est le moi-ici-maintenant, mais une
infinité d’ères toncales possibles.13
12 Deux des principaux articles de ces auteurs sur l’imparfait sont Pierre Le Goffic, « Que
l’imparfait n’est pas un temps du passé », Points de vue sur l’imparfait présenté par Pierre Le Goffic,
Caen : Centre de Publications de l’Université de Caen, 1986, pp. 55–69 et Pierre Le Goffic,
« La double incomplétude de l’imparfait », Modèles linguistiques XVI(1)/1995, pp. 133–148.
13 Voir Jacques Damourette et Édouard Pichon, Des mots à la pensée, vol. 5, Paris : D’Artrey,
1970, p. 246, §1749.