Milli mála - 01.06.2014, Side 52
LES USAGES STYLISTIQUES DE L’IMPARFAIT
Milli mála 6/2014
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L’approche anaphorique
de Anne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber28
L’approche anaphorique est parallèle à l’approche aspectuelle.29
Sans se contredire, elles mettent chacune en évidence des caractéris-
tiques différentes de l’imparfait. L’hypothèse de cette approche est
que l’imparfait renvoie toujours à une entité temporelle présente
dans le co-texte ou accessible dans la situation immédiate. Pour ar-
gumenter la nécessité de ce renvoi on a notamment fait remarquer
que sans une telle entité temporelle l’interprétation de la phrase res-
tait incomplète :
17) « Jean achetait des fruits »
La phrase en elle-même ne suffit pas. Le lecteur/auditeur reste
en attente. Il suffit d’ajouter une autre phrase, par exemple « il vit
une grosse araignée entre deux oranges », pour que l’énoncé adopte
un sens. Un autre argument des anaphoristes est le fait qu’il est
presqu’impossible de formuler une question avec « quand » si le
verbe est à l’imparfait :
18) « Quand est-ce que Jean achetait des fruits ? »
Le seul contexte possible serait que la question porte sur un an-
técédent temporel déjà mentionné et qu’on demande de répéter :
« Qu’est-ce que tu as dit ? Quand est-ce que Jean achetait des fruits
? »
Un autre point important de l’hypothèse anaphorique est que la
relation entre l’imparfait et son antécédent est une relation de coré-
férence ou en d’autres termes de simultanéité globale :
19) « Paul rentra chez lui. Marie faisait la vaisselle. »
L’action de Paul est vue comme entièrement synchronique à
celle de Marie. Un argument important pour la simultanéité globale
est qu’il est impossible de diviser l’entité référentielle en intervalles
28 Leur premier article sur l’imparfait est Anne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber, « Pour
une nouvelle approche de l’imparfait. L’imparfait, un temps anaphorique méronomique »,
Langages 112/1993, p. 55–73. Pour les références de leurs autres ouvrages sur l’imparfait jus-
qu’en 2000 voir Anne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber, « Un imparfait de plus… et le
train déraillait », Modes de repérages temporels, textes réunis par Sylvie Mellet et Marcel Vuillaume, Am-
sterdam-New York : Rodopi, 2003, p. 1–24, ici p. 22–24.
29 Voir les références des principaux articles sur cette approche dans Berthonneau et Kleiber,
« Pour une nouvelle approche de l’imparfait. L’imparfait, un temps anaphorique méronomi-
que », p. 56.