Milli mála - 01.06.2014, Page 55
FRANÇOIS HEENEN
Milli mála 6/2014
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ne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber, dans tous ces usages,
l’imparfait est utilisé pour sa fonction de base qui est d’inciter le lec-
teur/auditeur à identifier une situation saillante dont la situation à
l’imparfait représente une partie. Que dans certains exemples cette
situation antécédente soit réelle et que dans d’autres elle soit fictive
ne dépend pas de la valeur de l’imparfait mais du contexte. Nous
pouvons illustrer cette position d’Anne-Marie Berthonneau et
Georges Kleiber en comparant deux usages stylistiques de l’impar-
fait, l’imparfait de clôture et l’imparfait contre-factuel. Reprenons
les exemples de ces deux catégories, déjà cités page 4 et 6 :
12a) « Le commandant (...) se jeta sur l’interphone] et hurla qu’il
avait à parler à
Mr Chisnutt. Trois minutes plus tard, Mr Chisnutt se présentait
chez le commandant. »37
7b) « Encore un peu et je tombais dans le piège. »
Dans le premier exemple la situation de Mr Chisnutt se présen-
tant chez le commandant est un élément tout à fait compatible avec
la situation du commandant hurlant pour que ce Mr Chisnutt vien-
ne le voir, exprimée par la première phrase. Cette situation antécé-
dente contient certes des éléments sous-entendus comme par
exemple le moment où Mr Chisnutt a appris qu’on l’appelait ou son
déplacement jusqu’à l’endroit où se trouvait le commandant. Mais
ces éléments forment une chaîne logique avec le restant du récit.
Dans le second exemple, « A tombant dans le piège » est également
compatible avec la situation passée dans laquelle B a essayé de faire
tomber A dans un piège. La différence est qu’ici cette situation an-
técédente contient un élément qui contredit en partie la situation de
communication, le fait imaginé que B ait finalement fait tomber A
dans le piège, alors que la tromperie n’a en réalité jamais abouti. On
voit donc que l’imparfait n’est pas responsable de la différence de
modalité entre ces deux exemples mais que cette variation est due à
un rapport différent entre ce que le locuteur/auditeur sait et tient
pour vrai et ce que l’imparfait l’incite à concevoir. Ce rapport chan-
ge effectivement d’un exemple à un autre.
37 Berthonneau et Kleiber, « Pour une réanalyse de l’imparfait de rupture dans le cadre de
l’hypothèse anaphorique méronomique », p. 146.