Milli mála - 01.06.2014, Page 60
LES USAGES STYLISTIQUES DE L’IMPARFAIT
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que le désir de A de demander un service y soit inclus ou en
dʼautres mots que ce désir soit compatible avec cette situation. En
lui faisant chercher l’antécédent de « je voulais vous demander un
service » A communique donc à B qu’il y a effectivement une situa-
tion qu’il est sensé connaître, et dans laquelle A était déjà reconnu
comme demandeur de service. De ce fait la phrase de A lui semble
d’une banalité renversante, c’est comme s’il l’avait formulée lui-
même, et c’est de cette manière que lui vient cette impression d’être
« l’instigateur de la demande ». Ce scénario respecte les coordon-
nées établies par Anne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber et
confirme, comme les deux précédents, notre hypothèse que
l’imparfait incite le destinataire à inférer lui-même l’effet de polites-
se.
L’hypothèse que l’imparfait prenne une fonction procédurale
dans les cas où ses valeurs temporelles et/ou aspectuelles sont im-
pertinentes devra certainement être testée sur d’autres emplois sty-
listiques. Le but de cette section était avant tout de montrer qu’une
telle hypothèse était compatible avec les approches en question.
Conclusions et perspectives
Il y a deux manières de mesurer les progrès réalisés dans les analy-
ses des emplois stylistiques de l’imparfait : soit évaluer individuel-
lement chaque approche qui a traité directement ou indirectement
du problème, soit rechercher les points communs entre ces appro-
ches pour constituer les bases d’une théorie générale qui servirait à
expliquer ces emplois marginaux. Le problème de la première mé-
thode est qu’il n’y a aucun critère objectif qui permet de prouver
que l’une des approches soit plus juste ou meilleure que les autres,
ni dans sa conception générale de l’imparfait, ni dans sa manière
d’analyser les emplois stylistiques. Par contre, ce que cet article a
tenté de prouver, c’est qu’au-delà des différentes conceptions théo-
riques, les travaux sur l’imparfait de ces trente dernières années ont
mis en évidence certaines caractéristiques fondamentales de ce tiroir
verbal. Les approches qui ont été présentées dans cet exposé insis-
tent toutes sur le fait que la forme décodée dʼune expression qui a
été communiquée avec un verbe à lʼimparfait comporte systémati-
quement une variable à saturer. La nature de cette variable reste un