Milli mála - 01.06.2014, Qupperneq 106
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
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la destinée humaine entre l’introspectif, qui serait non-politique, et
une sorte d’extérieur, qui serait politique. Le politique, précise-t-elle,
« commence […] par le discours du sujet sur lui-même, c'est-à-dire
que tout ce qui fait la scène politique – il y a les relations de pou-
voir, d'oppression, la mise en esclavage, l'exploitation – tout cela
commence chez moi je dirais d'abord dans la famille et puis à l'inté-
rieur de moi-même, les tyrans, les despotes, les dictateurs, le capita-
lisme, enfin tout ce qui dessine, pour nous, l'espace politique visible,
n'est que la projection visible et théâtralisée, photographiable, des
conflits du moi avec l'autre. Je ne peux même pas imaginer qu'on
puisse penser autrement ».6 Sa pensée du politique prend ses pre-
mières racines dans la conception de la subjectivité comme l’effet
d’une économie à la fois libidinale et politico-symbolique, les effets
de l’énergie pulsionnelle étant repérables au niveau de l’individu
mais aussi aux niveaux des structures sociales et symboliques. Pers-
pective que Christa Stevens résume de la façon suivante dans son
étude sur le Portrait du soleil d’Hélène Cixous : « [T]oute conception
du sujet a ses sources libidinales et politiques, ce qui est le plus ap-
parent dans le cas du Sujet-un, complice de la pensée du Propre
(Hegel), phallocentrique, soutenant l’hégémonie de l’Un, au détri-
ment du non-propre, de la différence, de l’autre ».7 La littérature en
tant que phénomène socio-culturel (institution socio-politique et
symbolique) est tantôt complice tantôt pas de la répression de
l’autre ou des différences. Pour Hélène Cixous, la littérature qui ou-
vre à l’équivoque et à la réversibilité agit contre cette répression ; sa
dénonciation d’une écriture qui est codée ou maîtrisée ou qui se
contente de la représentation, est éminemment politique dans ce
sens. Il faut chercher « la puissance qui s’affirme toujours comme
possibilité autre »8 du côté de ceux qu’elle appelle par des noms di-
vers : les « lucioles », les « Grand Rêvés », ou, pour citer un de ses
premiers livres Prénom de personne, où notamment il est question du
6 Kathleen O’Grady, « Guardien of Language. An interview of Hélène Cixous », Women's educa-
tion des femmes 12(4)/1996–7, pp. 6–10.
7 Christa Stevens, L’écriture solaire d’Hélène Cixous, Amsterdam : Rodopi, 1999, p. 12.
8 Pour emprunter une formulation de Maurice Blanchot, De Kafka à Kafka, Paris : Folio, coll.
« essais », 1981, p. 60.