Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 112
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
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ture et en un instant l’impossible devient possible. La réalité accueil-
le la fantaisie et les rêves. »25
Derrida poursuit sa discussion en disant avoir besoin de com-
prendre ce que « croire » veut dire de son « côté » à elle – là où lui
n’est pas. Il aurait besoin d’être capable de comprendre ce qu’il ne
peut pas comprendre. Il ne peut pas mais en disant « J’aurais besoin
d’en être capable » c’est « comme si » il la croyait et comme si elle
avait raison. « Elle sait, dit-il, elle est celle qui sait et fait des expé-
riences, en effet elle écrit mieux sur la mort que la plupart des au-
tres. Elle entretient cette connaissance mais elle n’y croit pas.26 Je ne
peux pas la croire, je peux seulement la croire au subjonctif. »27
C’est ainsi que le philosophe Derrida entre sur la scène de la littéra-
ture où plus que l’impossible est possible. Le « puisse-je » (puissé-je)
des textes de Cixous, ce troublant subjonctif qui n’est ni impératif
ni nominatif, dit Derrida, se situe à la limite du possible et de
l’impossible. C’est l’espace liminal où sa propre philosophie pour-
rait être postulée : « Il est nécessaire de penser différemment la pos-
sibilité de l’impossible », répète-t-il.28 Cela pourrait sembler être un
simple jeu de mots ou une contradiction amusante, mais dans
l’esprit de Derrida, c’est un des projets les plus sérieux et les plus
importants de notre époque qui est en jeu. Le politique chez Hélène
Cixous se faufile à ce niveau, dans ce qui se passe dans la langue et
dans ce qui arrive à la langue et par la langue. Il s’agit d’ouvrir sur la
possibilité de l’impossible :
Heureusement, il n’y pas que le monde. Au-delà du monde, il y a l’Autre-
côté. On peut passer, c’est ouvert ou ça s’ouvre. Heureusement on peut y
aller. Où ? Y. Comment ? Il faut une porte. Qui a inventé les portes ? Je
25 Ibid., p. 1.
26 « H. C. pour la vie, c’est à dire… », p. 14.
27 Ibid., p. 140.
28 Voir, par exemple, Jacques Derrida, Fichus, Paris : Galilée, 2002, pp. 20–21.