Milli mála - 01.06.2014, Blaðsíða 113
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 6/2014
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dédie ce qui suit aux inventeurs des portes, et d’ensuites, aux anges, aux
gens d’Apocalypses, aux anges au secret, aux secrets.29
La scène de l’écriture s’appelle « Y ». Pour écrire, il faut s’y rendre.
« J’y vais, dit la voix au début de L’ange au secret. Je vais me per-
dre. »30 Mireille Calle-Gruber écrit à propos de ce lieu : « Y : c’est le
lieu que tente de constituer-inventer l’écriture d’Hélène Cixous. Lieu
indéfini et infini […], signe de la croisée, de l’ouverture ».31 Cet en-
droit-lettre est souvent appelé « maison » ; mot où on voit « la diffé-
rence sexuelle » traverser et retraverser la passerelle de la lettre « i »
qui fait lieu de « je » : maIson ; « la maison d’hiers »32 (he/hers), « ma
maison qui est un livre plein de livres ».33 La « maison » renvoie aus-
si à Shakespeare et donc au théâtre. Cixous raconte qu’enfant elle se
pliait de douleur à voir les violences, les haines et les exclu-
sions dans les rues d’Oran et d’Alger : « Alors je me racontais un
mensonge : « Quand je serai grande, je ferai une grande maison
pour tout le monde » ».34 Rêve d’enfance, impossible certes, mais
qui gagne en puissance à travers son écriture où il est question au
fond d’accueil et d’une hospitalité inconditionnelle. C’est notam-
ment au titre de son « inconditionnalité sans souveraineté » que
Derrida élit le rêve et le met au cœur de sa philosophie. Le rêve,
écrit-il, donne à penser « la possiblité de l’impossible »35 ou comme
le souligne Ginette Michaud, le rêve entraîne chez Derrida « des
conséquences éthiques, juridiques et politiques ».36
29 Hélène Cixous, « Quelle heure est-il ? ou La porte (celle qu’on ne passe pas) », dans Marie-
Louise Mallet (dir.), Le passage des frontières : Autour du travail de Jacques Derrida, Paris : Galilée,
1994, p. 83.
30 Hélène Cixous, L’ange au secret, Paris : Des Femmes, 1991, p. 24.
31 Mireille Calle-Gruber, « Cixous hors la loi du genre », dans Calle-Gruber et Cixous, Hélène
Cixoux, Photos de racines, p. 149.
32 « Il faut descendre dans la maison d’hiers. Avoir envie de fuir. Aller se coucher. La maison
est pleine de fantôme divers » ; Cixous, L’ange au secret, pp. 15–16
33 Hélène Cixous, « Prière d’insérer », Revirements dans l’antartique du cœur, Paris : Galilée, 2011.
34 Eric Loret (entretien), « Cixous l’œil nu », Libération, 23 septembre 1998.
35 Derrida, Fichus, p. 21.
36 Ginette Michaud, « Comme en rêve… ». Lire Jacques Derrida et Hélène Cixous, Vol. 2, Paris :
Hermann Éditeurs, 2010, p. 27.