Milli mála - 01.06.2014, Síða 117
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 6/2014
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premier lieu par là. Tout y revient. »55 Hélène Cixous aime appeler la
Différence Sexuelle : « la D.S. », ce qui donne grâce à l’homonymie
« la déesse ». Pour elle, il s’agit d’un mouvement : « c’est toujours
entre les deux qu’elle (se) passe ».56 Ce qui l’intéresse ce sont « ses
voyages […], son mouvement d’un corps ou d’un côté, d’une côte
(comme dirait Proust) à l’autre ».57 L’importance de la différence
sexuelle s’impose dans son œuvre comme un des enjeux essentiels
de notre époque : « Dire que je crois à la différence sexuelle est un
énoncé qui a pris, avec les décades qui se sont écoulées, une sorte
de valeur politique, d’autorité d’autant plus insistante qu’elle est dé-
niée par énormément de gens ».58
Hélène Cixous a introduit le concept « écriture féminine », à un
moment historique daté59, pour désigner un mouvement visant à re-
55 « L’autre est secret parce qu’il est autre », propos recueillis par Antoine Spire, Le monde de
l’éducation, no. 294, septembre 2000.
56 Calle-Gruber et Cixous, Hélène Cixous, photos de racines, p. 62.
57 Loret, « Cixous l’œil nu ».
58 Calle-Gruber et Cixous, Hélène Cixous, photos de racines, p. 61.
59 Comme elle le souligne dans son entretien avec Mireille Calle-Gruber, dans Photos de racines,
p. 15. Dans les mêmes années où Hélène Cixous introduit la notion de l’écriture féminine,
plusieurs femmes témoignent de la nécessité d’un autre « parler », d’une autre manière
d’écrire qualifiée de « féminin ». Parmi elles : Marguerite Duras, Xavière Gauthier, Marie
Cardinal, Annie Leclerc, Chantal Chawaf, Jeanne Hyvrard et Monique Wittig. « Toute femme
qui veut tenir un discours qui lui soit propre, ne peut dérober à cette urgence : inventer la
femme », dit Annie Leclerc dans Parole de femme : Annie Leclerc, Parole de femme, Paris : Gras-
set, 1974, p. 8. La philosophe Luce Irigaray était parmi celles qui ont répondu à cette urgen-
ce. Sa vision de l’écriture du féminin rejoint celle d’Hélène Cixous par l’importance accordée
au corps et à la subversion. Dans Ce Sexe qui n’en est pas un, Iriagary situe la sexualité des
femmes dans la totalité de leurs corps : leurs organes sexuels sont composés de différents
éléments et leur jouissance est multiple, plurielle. « Parler femme », selon Luce Irigaray, c’est
reproduire la duplicité, la contiguïté et la fluidité de la morphologie des femmes et l’énergie
qui provient d’elles. Quoiqu’elle considère impossible de décrire ce « parler femme » comme
Hélène Cixous, elle le fait ainsi : « Ce « style », ou « écriture », de la femme met plutôt feu aux
mots fétiches, aux termes propres, aux formes bien construites. Ce « style » ne privilégie pas
le regard mais rend toute figure à sa naissance, aussi tactile. Elle s’y re-touche sans jamais y
constituer, s’y constituer en quelque unité […] Son « style » résiste à, et fait exploser, toute
forme, figure, idée, concept, solidement établis » ; Luce Irigaray, Ce sexe qui n’est en pas un, Pa-
ris : Minuit, 1977, p. 76. Selon Julia Kristeva, la lutte des femmes peut être théorisée de la
même manière que les autres luttes contre les structures du pouvoir centralisé. Elle définit la
« femme » en termes de position et non en termes d’essence et la situe en dehors de la nomi-
nation et des idéologies. Cette position marginale de la femme résulte de l’ordre phallocen-
trique et non d’un quelconque destin naturel. La « signifiance » est une question topologique,
d’après Julia Kristeva ; elle est le fait de l’interaction entre le sémiotique et le symbolique. La
contiguïté du sémiotique (qui ne connaît pas d’opposition sexuelle) doit être interrompue et
refoulée pour la formation du sujet et son entrée dans l’ordre symbolique. Le sémiotique et