Milli mála - 01.06.2014, Qupperneq 119
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 6/2014
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A désigner quelques effets, quelques composantes pulsionnelles, quelques
rapports de l’imaginaire féminin au réel, à l’écriture.61
Et Cixous en parle parce qu’elle croit que « [t]outes les façons de
penser autrement l’histoire […] ont une efficacité.62 L’écriture fé-
minine fait apparaître le fonctionnement de l’économie libidinale di-
te « féminine » qui n’est pas soumise à la loi et au symbolique et qui
n’a pas refoulé le corps. Cette économie est, contrairement à
l’économie dominante et « appropriante », ouverte au don, au par-
tage et à l’autre. L’écriture du féminin substitue l’amour à la domi-
nation et le corps vivant à la mort. Elle se veut subversion capitale :
Je soutiens, sans équivoque, qu’il y a des écritures marquées ; que l’écriture a
été jusqu’à présent, de façon beaucoup plus étendue, répressive, qu’on le
soupçonne ou qu’on l’avoue, gérée par une économie libidinale et cultu-
relle – donc politique, typiquement masculine – un lieu où s’est reproduit
plus ou moins consciemment, et de façon redoutable car souvent occulté,
ou paré des charmes mystifiants de la fiction, le refoulement de la femme ;
un lieu qui a charrié grossièrement tous les signes de l’opposition sexuelle
(et non de la différence) et où la femme n’a jamais eu sa parole, ceci étant
d’autant plus grave et impardonnable que justement l’écriture est la possibili-
té même du changement, l’espace d’où peut s’élancer une pensée subversive, le
mouvement avant-coureur d’une transformation des structures sociales et
culturelles.63
« Rien au monde me fait autant horreur que cela », répond Nathalie
Sarraute, interrogée par Isabelle Huppert, sur la spécificité d’une lit-
térature féminine. Désigner une écriture comme féminine, selon
Nathalie Sarraute, serait la traiter de mauvaise, de faible, la disquali-
fier. Elle ne pense pas « une seconde » que l’écriture de Virginia
Woolf est « féminine » : « Virginia Woolf et Emily Brontë me font
autant d’impression, dit-elle, qu’un écrivain homme. »64 Dans une
émission radiophonique, « Le Carnet d’or », diffusée au mois de
61 Cixous, « Sorties », La Jeune Née, pp. 169–170.
62 Ibid., p. 152.
63 Hélène Cixous, « Le Rire de la Méduse », L’Arc 61/1975, p. 42. Les italiques sont de Cixous.
64 Propos recueillis par Isabelle Huppert : « Rencontre – Nathalie Sarraute », Cahier du cinéma
477/1994, pp. 9–10.