Milli mála - 01.06.2014, Síða 121
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 6/2014
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Irigaray : qu’est-ce qui distingue une bonne littérature d’une mau-
vaise ? Dans un texte qui date de la même époque que la formula-
tion d’Hélène Cixous du concept écriture féminine, Irigaray écrit : « Si
tu/je hésite à parler, n’est-ce pas que nous avons peur de ne pas
bien dire ? Mais quoi serait bien ou mal ? Quelle hiérarchie, subor-
dination, nous brimerait là ? Nous briserait là ? Quelle prétention à
nous élever dans un discours plus valable ? L’érection n’est pas no-
tre affaire. »66
Nous privilégions, comme le fait Hélène Cixous, une autre
question qui nous semble plus intéressante et même fondamentale,
à savoir : d’où écrit-on ? Sa façon de poser la question de la femme
et de la différence en termes de « lieu » et d’ « espace », dans ses ar-
ticles des années soixante-dix est de caractère éminemment théâtral.
On y retrouve une « scène », des « acteurs », du « corps », des
« personnages » historiques et mythiques ; des « rôles », des
« actes », des « entrées » et des « sorties ». Sa « définition » de
l’écriture féminine, qui se présente comme une histoire mythico-
poétique de l’avènement de la femme (de la Jeune Née) à l’écriture,
part du principe que l’écriture féminine s’inscrit dans un lieu autre,
le lieu du féminin : « en cet autre lieu qui dérange l’ordre social […]
« lieu » de l’intransigeance et de la passion ».67 Le sexe de l’auteur ne
détermine pas le lieu d’où il écrit mais sa position par rapport aux
normes et aux modèles dominants. Mais pourquoi « lieu » ? Parce
que, dans l’Histoire, les femmes n’ont pas été acceptées sur les terri-
toires masculins ; elles ont toujours été rejetées sur les bords, aux
marges du discours dominant. Ces « exclues de l’intérieur »68 finis-
sent donc nécessairement par parler d’ailleurs pour dire l’autre véri-
té, la vérité de l’autre.
66 Irigaray, Ce sexe qui n’en est pas un, p. 212.
67 Ibid., pp. 180–181.
68 Voir Marcelle Marini : « A force de se (dé)battre avec le Discours, en ce point d’ancrage va-
cillant ou insoutenable que l’on réserve aux femmes, sauf à leur dire qu’elles sont « comme »
des hommes, cette exclue de l’intérieur finit par parler d’ailleurs » ; Territoires du féminin avec
Marguerite Duras, Paris : Minuit, 1977, p. 63.