Milli mála - 01.06.2014, Síða 122
INSCRIPTIONS DU POLITIQUE CHEZ HELENE CIXOUS
Milli mála 6/2014
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Les « résistances-méconnaissances »69 quant aux termes
« féminin » et « écriture féminine » (mais aussi par rapport à
l’histoire politique, culturelle et littéraire de ces termes) mention-
nées ci-dessus sont emblématiques des formes de résistances qu’a
rencontrées l’œuvre d’Hélène Cixous. Ceci vaut pourtant moins
pour son théâtre que pour ses fictions et ses écrits sur le féminin et
la différence sexuelle – peut-être en raison de l’exigence au théâtre
d’une réception plus directe, d’une plus grande perceptibilité et de
lisibilité.70 Hélène Cixous a noté, elle-même, dans un article intitulé
« L’auteur entre texte et théâtre » qu’au début, elle « ignorai[t] le
drame de la réception », qu’elle avait été dans « une liberté tout à
fait sauvage », mais une fois consciente de la censure, elle dit y avoir
« résisté de toute sa force » : l’interdit, elle dit le travailler, le réinscri-
re : « j’inscris une protestation contre l’interdit ».71 Elle transcrit ain-
si les résistances à son œuvre dans son œuvre, qui par là même, ré-
siste. Dans son article « H. C. pour la vie, c’est à dire… », Derrida
identifie les résistances à l’œuvre d’Hélène Cixous et les regroupe en
quatre « mises à l’épreuve » auxquelles sera soumis le futur cher-
cheur qui s’attacherait à étudier l’œuvre de Cixous. Selon Derrida,
l’œuvre de Cixous pourra, dans le futur, servir « d’analyseur des
conditions de sa propre méconnaissance » ; « de voyant, car [el-
le] veille comme un voyant, pour qui chercherait à identifier ces ré-
sistances et à en rendre compte. De façon quasi scientifique. »72
Parmi les résistances que Derrida identifie déjà, il place en premier
lieu l’événement poétique, le fait que son œuvre reste en quelque
sorte « intraduisible en français », mais il mentionne, pratiquement
aussitôt, « la force armée de la misogynie et du phallogocentrisme
69 C’est Derrida qui utilise ce terme pour désigner les résistances que rencontre l’œuvre
d’Hélène Cixous dans son article « H. C. pour la vie, c’est à dire… », p. 122.
70 Selon Ariane Mnouchkine : « Le théâtre, c’est l’instant. Ce qui n’est pas ressenti au théâtre à
tel instant, c’est fini ! Ça ne le sera plus jamais, ce n’est pas un bouquin de philosophie sur
lequel on peut encore et encore revenir. Au théâtre, on ne revient pas. [...] Il y a une patience
dans la littérature qui n’est pas au théâtre». Voir Judith Miller : « Écrire pour le Soleil : entre-
tien » (débat avec la participation d’Ariane Mnouchkine, Hélène Cixous, Judith Miller, Jean-
Jacques Lemêtre et Juliana Carneiro da Cunha) Rêver, croire, penser, autour d’Hélène Cixous, Pa-
ris : CampagnePremière, 2010, p. 271.
71 Hélène Cixous, « L’auteur entre texte et théâtre », Hors cadre 8(printemps)/1990, p. 37.
72 Derrida, « H. C. pour la vie, c’est à dire… », p. 124 et p. 121.