Milli mála - 2018, Blaðsíða 41
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 41
Cixous ne cache pas ses sympathies pour l’engagement de
Sihanouk à la cause nationale cambodgienne et pour ses efforts visant
à préserver son indépendance et sa neutralité, ainsi que pour sa lutte
contre des acteurs et des pouvoirs externes. Néanmoins, elle reste
pleinement consciente des revers et des échecs de ce héros tragique.
C’était un camelot : un politicien chauvin, impérieux mais intelli-
gent, avec un sens du spectacle. Selon Shawcross, Sihanouk aurait
présidé de manière féodale, « en tant que Roi, Chef d’État, Prince,
Premier ministre, chef du principal mouvement politique du pays,
leader de jazz-band, directeur de magazine, réalisateur et concession-
naire de jeux, tentant d’unir à travers son règne les concepts dispa-
rates du bouddhisme, du socialisme et de la démocratie »11. Dans
la pièce, ses accès de mégalomanie caractériels sont fréquemment
réitérés. Cixous peut cependant être critiquée pour avoir minimisé
l’autoritarisme de son règne et réifié son rôle politique en des repré-
sentations essentialistes du Cambodge. Une telle approche peut être
perçue comme perpétuant – dans les termes de Gayatri Chakravorty
Spivak – « un genre d’ethnographie inspiré et trop admiratif en plus
d’[offrir] une historiographie romantisante »12. Le discours prononcé
à la suite du renversement du Prince par Penn Nouth, Premier mi-
nistre de Sihanouk, en est une bonne illustration :
Et cependant, vous qui veillez sur le Cambodge,
Génies des arbres et des eaux,
Génies des routes et des sillons,
Ne vous en allez pas, restez là-bas.
Grandes et petites puissances,
Vous qui nous aimiez tant
Lorsque nous étions riches et heureux,
N’oubliez pas de vous rendre les soirs
Au bord du fleuve
Et de nous rappeler.
Nous reviendrons, nous reviendrons. (p. 180)
2011, https://www.nytimes.com/2011/06/27/world/asia/27cambodia.html ; consulté le 20 sep-
tembre 2018.
11 Adrian Kiernander, Ariane Mnouchkine and the Théâtre du Soleil, op.cit, p. 51.
12 Gayatri Ghakravorty Spivak, Outside in the Teaching Machine, New York : Routledge, 1993, p. 159.
Notre traduction.