Milli mála - 2018, Blaðsíða 49
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 49
Eh ! bien moi, je vous dis que nous sommes arrivés au carrefour décisif. Ou
nous prenons le chemin des privilèges, des postes et des turpitudes et nous
collaborons avec le dictateur. Ou d’un bond nous échappons à la déchéance,
et serrant sur nos cœurs notre jeune Révolution, nous l’emportons loin de
la ville, vers la noble et rude retraite où nous l’élèverons jusqu’à ce qu’elle
atteigne la fleur de son âge. Alors nous redescendrons fièrement sur le pays
et nous en ferons la pure, la fière, l’impeccable conquête.
Je vous en prie, fuyons cette victoire mesquine et trompeuse qui nous en-
traînera de corruption en dégradation. Partons ! (p. 51)
Par contre, Khieu Samphân choisit de se distancier des idées de
Saloth Sâr – celle « d’une seule vérité », par exemple – et décide
de travailler au sein du système pour faire avancer la cause de la
révolution. Pour lui et son camarade communiste Hou Youn, il est
significatif que la gauche ait fait bonne figure aux élections. Cela
veut dire que la cause communiste est potentiellement viable en
raison de sa capacité à attirer un soutien populaire au Cambodge.
Ainsi, il accepte un poste au sein du gouvernement de Sihanouk
et reçoit la chance de faire passer une partie de son programme
idéologique en jouant un rôle dans la nationalisation d’entreprises
privées. Dans la pièce, Samphân représente un discours alternatif à
celui des Khmers rouges en une époque où leur influence politique
était encore négligeable.
Sa mère bouddhiste, la vendeuse de légumes de Phnom Penh
nommée Khieu Samnol, a aussi une fonction importante (bien que
radicalement différente) dans L’Histoire terrible… : il s’agit de l’amie
de la poissonnière vietnamienne Madame Lamné. Leur relation sym-
bolise la lente désintégration sociale du Cambodge qui résulte des
luttes de pouvoir politiques. Les sentiments joyeux des premières
scènes entre les deux femmes sont suivis de scènes alarmantes, puis
enfin, d’une catastrophe. Initialement, Samnol se sent séparé de son
fils à cause de son engagement politique : « Depuis qu’il a été en
France et qu’il est tombé chez ces sauvages de communistes, il a
tellement changé que parfois je me demande si c’est bien lui, celui
qui est parti d’ici il y a cinq ans » (pp. 47-48). Dans un accès de ce
qui aura été – on le saura plus tard – un optimisme injustifié, elle
perçoit la victoire de la gauche aux élections parlementaires comme