Milli mála - 2018, Blaðsíða 51
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 51
rampante auxquelles fait face son Royaume. (p. 45) Son explosion
initiale contre Samphân doit aussi être replacée dans le contexte
suivant : il est extrêmement sensible aux critiques concernant sa
tolérance et aux incitations à accepter des pots-de-vin venant de
pouvoirs étrangers – surtout des États-Unis. Saloth Sâr utilise cette
expérience humiliante, non seulement pour se moquer de la naïveté
de Samphân, mais aussi pour le distancier du « peuple ». Il s’en sert
pour façonner ce qui deviendra son projet révolutionnaire, destiné
à modeler une nouvelle nation cambodgienne – un projet dont
le potentiel rédempteur dépend d’une destruction violente de la
monarchie, de l’élimination des menaces historiques en provenance
du Vietnam et d’une victoire contre l’agression américaine :
Ô haine, je te rendrai justice.
Haine tu es puissance, tu es intelligence.
Et j’ose te proclamer
Le vrai Soleil de mon destin.
Toi, en retour, aide-moi à arracher ce pays
Aux honteux sortilèges de ce bouddha de pacotille.
Indécente monarchie, je hais tes mines efféminées,
Tes humeurs niaises, ton luxe de putain.
Je t’arracherai tes robes de soie
Et je dévoilerai au monde stupéfait
Notre prochain Cambodge, le vierge, le viril, l’incorruptible.
Un beau jour, dès demain, au tournant de l’Histoire,
Nos orgueilleux voisins, ces avaleurs de terre, ces annamites barbares,
Et ce pillard énorme, et ogre aveugle, cette Amérique,
Voici qu’ils le verront se dresser devant eux
L’Invincible Cambodge descendant des montagnes.
Et qui les chassera tous hors de nos frontières
Dans un somptueux carnage.
Ah ! J’ai hâte, j’ai hâte !
Ô que mon cœur furieux répande librement
Son torrent d’amertume.
Je brûlerai tout sur mon passage.
Orgueilleux Vietnamiens, vous qui depuis des siècles
Usez de notre terre sacrée comme d’une arrière-cuisine.