Milli mála - 2018, Blaðsíða 48
LA POLITIQUE DE NEUTRALITÉ
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de vénalité », mais la corruption a qualitativement augmenté à
mesure que les normes américaines se sont mises à remplacer celles
des Français19. Dans la pièce, Sihanouk dit quelque chose du même
ordre à McClintock :
Eh oui ! Monsieur l’Ambassadeur, notre pays souffre encore de corruption.
C’est une maladie tropicale, tenace et contagieuse. Je me demande com-
ment la guérir car, voyez-vous, le malheur c’est que tout le monde veut
l’attraper. Et on ne sait jamais qui il faudrait soigner d’abord, si c’est le
corrompu ou le corrupteur. (p. 22)
La symbiose entre la corruption en tant que produit « importé » et
« local » donna au départ des munitions idéologiques aux Khmers
rouges défendant la notion d’un « nouveau départ » – une « année
zéro » – par la transformation du Cambodge en une utopie agraire
communiste. En effet, comme Cixous le souligne dans la pièce,
cette situation sema le germe de l’idée d’une « solution finale » qui,
au milieu des années 1970, était destinée à « purifier » la société
cambodgienne en effaçant son passé corrompu – l’héritage colonial
de la France, les restes féodaux de la monarchie de Sihanouk, le sys-
tème pourri, bourgeois et capitaliste de la République de Lon Nol
et enfin la présence néocoloniale américaine.
Au moment où Sihanouk rejette les Américains, et après avoir
remporté une victoire dans les élections parlementaires de 1963,
il tourne à gauche dans sa manière de gérer la politique nationale.
À l’époque, les Khmers rouges sont divisés entre l’idée de joindre
le gouvernement dans un geste tactique, ou celle de se terrer en
région rurale pour débuter leur propre lutte révolutionnaire. Dans
L’Histoire terrible…, Cixous représente ce moment par un échange
entre deux leaders communistes, Saloth Sâr – qui plus tard prendra
le nom de guerre Pol Pot et deviendra le symbole du projet géno-
cidaire des Khmers rouges – et Khieu Samphân. Saloth Sâr rejette
fermement toute collaboration avec le régime de Sihanouk, optant
plutôt pour la résistance :
19 Norodom Sihanouk, My War with the CIA, Londres : Penguin Books, 1974, p. 136 ; disponible
en français sous le titre La C.I.A. contre le Cambodge, Paris : François Maspero, 1973.