Milli mála - 2018, Blaðsíða 37
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 37
humaine, en termes occidentaux, avant qu’il ne devienne un « état
en faillite ». La pièce commence par le renoncement de Sihanouk
au trône du Cambodge ainsi que par son entrée en politique parle-
mentaire sous les titres de Prince et de Premier Ministre en 1955,
pour explorer ensuite sa tentative – vouée à l’échec – de maintenir
l’indépendance et la neutralité du pays et d’éviter sa catastrophique
descente aux enfers.
1. Une neutralité extrême et exemplaire
Hélène Cixous dresse un portrait sympathique – bien que critique –
de Sihanouk dans sa quête pour tailler un espace politique entre des
idéologies extrêmes afin de garder le Cambodge neutre, souverain
et relativement indépendant de l’Occident capitaliste – symbolisé
par les États-Unis – et de l’Est communiste. Il en va de même de
l’approche de Sihanouk quant à la politique intérieure : il légitime
son autorité par une stratégie d’équilibre des pouvoirs qui consiste
à garder à distance tant la droite pro-américaine que la gauche com-
muniste. Cette stratégie fonctionnera jusqu’à ce que le Cambodge
devienne le champ de bataille de la guerre du Vietnam et ce, avec
des résultats catastrophiques : un coup d’État, une dictature de
droite, des bombardements américains, une guerre civile et un pro-
jet génocidaire communiste.
Comme ses prédécesseurs sur le trône, Sihanouk doit faire des
compromis politiques ambigus – tant avec des acteurs externes (les
États-Unis, la Chine et le Nord-Vietnam) qu’internes (les Khmers
rouges et l’élite conservatrice) – dans de vains efforts pour demeurer
au pouvoir et sauver son pays de la désintégration. L’Histoire terrible
mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge est un récit ina-
chevé, non seulement en raison de ce que Cixous saisit comme étant
le potentiel prophétisant de l’écriture au présent – débouchant sur
des futurs possibles, des contradictions et des retours –, mais aussi
en raison de la fonction stabilisatrice et unificatrice de Sihanouk.
Ironiquement, ce sont les mêmes pouvoirs politiques extérieurs qui
à la fois créèrent, de par leurs interventions, la conjoncture permet-
tant le renversement de Sihanouk, et qui en fin de compte virent
ce dernier comme le gardien ultime de la stabilité du Cambodge.