Milli mála - 2018, Síða 46
LA POLITIQUE DE NEUTRALITÉ
46 Milli mála 10/2018
pied d’égalité. Et de façon à plaire à la cause anticommuniste améri-
caine – en plus de jouer sur le mépris américain pour la « neutralité
procommuniste » – il décrit le Prince comme sympathisant com-
muniste. C’est « le complice et l’esclave des totalitarismes : c’est un
roi adultère qui trompe ses ancêtres, ses dieux et sa famille avec les
communistes, tous les communistes! » (p. 38) ; et pas seulement les
« Russes et les Chinois mais avec ceux de l’Annam, ces enragés, ces
loups efflanqués qui nous rôdent aux frontières depuis des siècles,
sans compter tous les autres. Il en inventerait s’il n’en sortait pas
de tous les côtés » (p. 38). Matak justifie donc son alliance avec les
Américains en se référant à leurs ennemis comme s’ils étaient des
adversaires traditionnels de la nation cambodgienne.
Cette scène est un signe annonciateur de ce qui est à venir.
Cixous expose le plan de Matak, lequel sera mené à terme quinze
ans plus tard, moyennant un engagement inspiré par l’idée d’une
guerre froide et d’une « modernisation » à l’américaine. Pour lui, le
Royaume et son traditionalisme sont un anachronisme. Avant son
abolition, il veut satisfaire ses ambitions et son désir de vengeance
contre Sihanouk, au nom de sa famille et de sa prétention au trône :
Ô Dieux, donnez-moi une chance ! Faites que je sois du moins le dernier
roi du Cambodge. Rendez-moi le trône, même si ce n’est que pour une
seule année, même si c’est pour un mois ! Mais si c’est lui qui doit rester
dans la mémoire des hommes le dernier souvenir de ce que fut la Royauté,
alors j’espère qu’il n’y a pas de vie après la mort. J’ai déjà trop souffert dans
celle-ci de voir le singe vêtir la peau du lion. Ô vous qui faites et défaites
les rois et les régimes, accordez-moi une seule journée non pas même de
pouvoir, mais de destin royal. (p. 43)
Sihanouk (à la fois le personnage historique et celui de la pièce)
devint de plus en plus critique á l’égard des États-Unis, voyant que
l’influence de cette puissance allait finir « par faire de [sa] belle
ville de Phnom Penh une droguée au dollar » (p. 60). En 1963, le
Sihanouk historique informa les Américains qu’il voulait arrêter de
recevoir de l’aide économique. Deux ans plus tard, il alla plus loin
en cessant toute relation diplomatique avec les États-Unis après
la parution d’un article désobligeant dans Newsweek l’accusant de