Milli mála - 2018, Blaðsíða 47
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 47
profiter de la corruption et de la gestion de maisons closes18. Les
Américains en voulaient à Sihanouk de les avoir défiés. Certes,
McClintock – qui, dans la pièce, représente les États-Unis de 1950
à 1970 (en réalité, il fut seulement ambassadeur de 1954 à 1956) –
affirme qu’il accueille favorablement le geste de Sihanouk : « J’en
ai assez de ce perroquet, de ce Cambodge pourri et prétentieux »,
dit-il dans la pièce (p. 61). Mais lorsque Kissinger lui demande de
justifier la faute qui consiste à avoir laissé « notre Cambodge nous
glisser entre les doigts », McClintock est plus que content de sou-
mettre un plan contre Sihanouk sur la base d’une solution militaire
plutôt que d’incitatifs diplomatiques :
Toute stratégie qui se contenterait d’actions trop diplomatiques échoue-
rait. On ne les séduira pas. J’avais établi une batterie de deux cent sept
idées-forces pour les amener au monde libre par la persuasion. J’ai tout
essayé, depuis la corruption jusqu’à la dénonciation de la corruption.
Résultats : aucun. Si à Washington on s’imagine… (p. 80)
3. Représentation symbolique du pouvoir : une
dialectique impériale et nationale
Les multiples représentations de la corruption – dont la majeure
partie se concentre sur les luttes idéologiques entre l’impérialisme
et l’anticolonialisme, mais aussi sur celle du capitalisme avec le
communisme – servent une importante fonction symbolique dans
L’Histoire terrible… Absolvant le sujet occidental, les Américains
attribuent la corruption du régime de Sihanouk à des facteurs issus
du tiers monde qui l’entoure : le problème doit venir de son sys-
tème politique anachronique, sous le joug d’un dictateur césarien et
d’une économie arriérée. Pour Sihanouk, par contre, c’est la métro-
pole occidentale qui en est responsable : les Français, et plus tard les
Américains, ont introduit la corruption comme stratégie politique
colonialiste et impérialiste permettant de diviser pour conquérir.
Comme le dit Sihanouk dans ses mémoires, non seulement les
administrateurs français du Cambodge étaient-ils des « champions
18 William Shawcross, Sideshow : Kissinger, Nixon, and the Destruction of Cambodia, op. cit., p. 61.