Milli mála - 2018, Blaðsíða 53
IRMA ERLINGSDÓTTIR
Milli mála 10/2018 53
face à des pressions externes. Lors des élections de 1966, la faction
droitiste du parti de Sihanouk – le Sangkum Reastr Niyum, sous
la direction de Lon Nol – remporta une victoire écrasante. Le ré-
sultat renforça les éléments cambodgiens proaméricains de l’élite
politique, ce qui poussa Sihanouk vers la droite. Il ordonna que
l’on réprime violemment un soulèvement populaire paysan dans la
province du Battambang, ce qui mena ensuite à la persécution des
gauchistes. Samphân demanda au gouvernement de modérer ses ac-
tions contre les manifestants, mais se trouva menacé d’arrestation et
d’exécution par Sihanouk. En conséquent, il dut fuir Phnom Penh
pour joindre ses collègues communistes en région rurale. La révo-
lution culturelle chinoise aliénait elle aussi Sihanouk, qui accusait
la Chine de vouloir l’exporter au Cambodge. Pour cette raison, il
se rapprocha des Américains pour faire contrepoids. Aux yeux de
ces derniers, ce revirement de situation était un signe que le Prince
pouvait servir d’allié contre le communisme. Comme Melvyn Laird,
Secrétaire à la défense sous l’administration Nixon – qui s’était
d’ailleurs opposé à Nixon et à Kissinger au sujet des bombarde-
ments secrets au Cambodge – le dit dans la pièce :
Il a tous les défauts, il ne nous aime pas, mais c’est un prince bouddhiste. Il
a toutes les raisons de ne faire aucune confiance aux Vietnamiens. Il a mon-
tré une intransigeance exceptionnelle lors des émeutes de Battambang.
[…] Il a lâché les rouges ou ce sont eux qui l’ont lâché. Et puis la popu-
lation lui est sincèrement attachée. Il serait notre meilleure défense inté-
rieure contre une infiltration vietnamienne. (p. 84)
Sihanouk savait qu’il se devait de garder les Américains à distance
en raison de la position géographique de son pays. Or, sous le poids
de la Guerre du Vietnam, sa situation devenait de plus en plus pré-
caire. Dans les années 1960, on avait épargné au Cambodge les des-
tructions sociétales du Vietnam et du Laos, mais la pression crois-
sante imposée par les Américains, les Chinois et les Vietnamiens
représentait un défi à sa neutralité. Étant passé de gauche à droite
en l’espace d’une décennie, Sihanouk avait aussi des difficultés à
entretenir l’équilibre de sa politique nationale : se maintenir au
pouvoir tout en gardant unifiés les différents éléments du parti au