Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Blaðsíða 144
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LE NORD
Mais, d’une fa^on générale, les rapports culturels entre la Fin-
lande et les pays néo-latins n’étaient encore que trés superficiels.
La civilisation nationale de ces pays, loin de fournir des points
de contact avec les problémes vitaux de la nation finnoise tout
entiére, n’était qu’un luxe que les classes aisées s’offraient pour
ne pas trop s’ennuyer dans leur vie plus ou moins solitaire et sans
vues. Pour en avoir une idée, il suffit de lire des lettres datant
de cette époque, citées par Gunnar Suolahti (o. c., p. 201) ou
la description du voyage que l’Italien Joseph Acerhi fit en Fin-
lande á la fin du XVIIF siécle.7).
Quant á des contacts directs approfondis, nous ne connaissons
rien qui prouve leur existence. Notons quelques mots écrits en
1760 par Sigjrid Porthan, frére du célébre Henrik Gahriel
Porthan, « pére de l’histoire de Finlande », qui mettent en évi-
dence I’attitude réservée sinon bornée des intellectuels finnois
vis-á-vis des grands mouvements spirituels frangais d’avant la
Révolution: «Ce sont Voltaire, d’Alembert et autres pseudo-his-
toriens, dont il y a une quantité énorme á l’heure actuelle, sur-
tout en France, qui s’emparent du pouvoir dans le royaume des
lettres. Ils exercent une grande influence sur les lecteurs peu cri-
tiques par leurs idées géniales et leur style brillant, mais ils sont
hostiles á la religion et á la morale ».8)
Les mots cités montrent que les philosophes franfais sont en
train de s’acquérir un public de plus en plus nombreux en Fin-
lande, mais que leur scepticisme fait horreur aux milieux uni-
versitaires, attachés aux traditions culturelles du pays. Il y a
pourtant des exceptions. Malheureusement nous ne connaissons
pas ce qu’on pense de Rousseau, mais Montesquieu semble avoir
joui d’une certaine faveur parmi les historiens finnois de l’époque.
D’aprés Suolahti, ses ouvrages ont été cités avec enthousiasme
dans des théses soutenues á Turku á partir de 1756. Porthan lui-
méme l’admire.
Les doctrines libérales de Montesquieu ont certainement joué
un róle dans le développement spirituel de Georges Magnus
Sprengtporten, éléve de Porthan dans ses jeunes années, officier,
7) Joseph Acerbi, Travels through Sweden, Finland and Lapland to
the North Cape in the years 1798 and. 1799. London 1802, cité á ce propos
par Gunnar Suolahti, o. c., p. 169 et suiv.
8) Gunnar Palander (Suolahti), Henrik Gahriel Porthan historiantut-
kijana, thése de doctorat, Helsinki, 1901, p. 105.