Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Side 189
REVUE LITTÉRAIRE
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nées de la Suéde, et il faut par con-
séquent, si l’on tient vraiment l’art
pour un reflet de la vie intérieure
du pays, les considérer comme ap-
partenant á l’histoire de l’art na-
tional. Et enfin il en est de toutes
les principales œuvres d’art exécu-
tées en Suéde comme de la cathé-
drale franco-anglo-germano-estgo-
thaise dont M. Lindblom dit:
« l’esprit suédois s’est familiarisé
avec cet art au cours des siécles ».
Mais naturellement il est du plus
haut intérét de voir ce qui reste
aprés que M. Lindblom a éliminé
les mains soi-disant étrangéres. Il
trouve que le génie créateur national
s’épanouit en toute liberté pendant
l’antiquité et l’époque romane, mais
s’affaiblit á partir de l’époque go-
thique jusqu’á la fin du XVIIF
siécle. La volonté artistique suédoise
se manifeste surtout dans l’ornemen-
tation: l’ornement vermiculé des
pierres runiques se continue jusqu’á
Carl Larsson et le treillis se retrouve
chez les Lapons de nos jours. L’au-
teur définit l’animal des pierres
runiques et, dans un passage drama-
tique, il nous montre sa rencontre
et sa lutte avec les éléments venus
du continent. II note le caractére
« suédois primitif » de la sculpture
sauvage et expressive des fonts
baptismaux, pour autant qu’elle
reste libre des principes de compo-
sition classiques et méprise les pro-
portions naturelles. Il retrouve l’élé-
ment suédois dans la simplification
na'ive de la peinture et de la sculp-
ture et dans la lourdeur et parfois
le vague qui peuvent prendre un
caractére de surnaturel sombre ou
de spontanéité populaire: une ma-
done sculptée primitive du XIIe
siécle de Mosjö lui paraít « révéler
des traits de la vie spirituelle nor-
dique, du mystére des foréts et des
hivers ». Les églises rustiques de
pierre dans les campagnes et l’art
sévére, sans áge et presque sans orne-
ments des constructions de char-
pente, sont, selon lui, le plus dans
la tradition suédoise. En somme, Ie
conservateur du Nordiska Museet a
présenté dans cet exposé le travail
manuel et les constructions du
peuple suédois comme l’apport le
plus original et le plus important de
l’art suédois.
Ce ne sont lá que quelques-unes
des caractérisations de l’art national
qu’offre cet ouvrage si riche en faits
et en illustrations, si documenté et
si suggestif. On est impatient d’étu-
dier, sous la conduite de ce cicérone
distingué, d’une part l’art du XVIe
et du début du XVIIe siécle, qui est
créé par des étrangers et que nous
considérons pourtant comme suédois,
et d’autre part I’art du XVIIP
siécle, exécuté par des artistes
suédois et que nous considérons com-
me bien franqais.
Ragnar Josephson.