Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Qupperneq 147
FINLANDE ET LES PAYS NÉO-LATINS
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II raconte qu’il avait essayé, e.a., de jouir de la Henriade de
Voltaire, mais en vain. Plus tard, ayant acquis une connaissance
tres approfondie des historiens et des sociologues fran§ais, il se
montre beaucoup plus indulgent vis-á-vis du méme Voltaire. En
faisant des études préliminaires pour son ouvrage Ldran om staten
(Doctrine sur l’État), paru en 1842 et considéré comme son
œuvre la plus importante du point de vue de la vie nationale
politique et spirituelle de la Finlande, il avait mis á profit des
écrivains comme Rousseau, Montesquieu, Voltaire, Tocqueville,
Sismond et Guizot. II connaissait aussi les œuvres de Benjamin
Constant et de Madame de Staél. Parmi les notes de Snellman on
trouve la critique suivante sur Le Siécle de Louis XIV et Le Siécle
de Louis XV de Voltaire: « En général je dois dire que la lecture
de Voltaire m’a fait aimer l’auteur. II faut avouer que sa critique
est impartiale et qu’il ne s’intéresse qu’á l’homme sans décors ».12)
Dans une lettre datée de 1843, Snellman avoue qu’il a pris
Rousseau et Montesquieu pour modéles de son ouvrage Doctrine
sur VÉtat, tout en s’inspirant de la philosophie de Hegel. Dans une
autre lettre de la méme année il écrit sur ces philosophes fran§ais
quelques mots qui caractérisent d’une part son genre d’esprit pro-
fond, soucieux de pénétrer jusqu’aux derniéres profondeurs de
tous les problémes, d’autre part son désir de garder le contact
avec ses lecteurs, et en somme avec la vie palpitante de son temps:
« Au début on est ahuri de la légéreté avec laquelle ces messieurs
résolvent les difficultés. Mais on n’en reste pas moins convaincu.
Et je me demande si l’avenir placera la philosophie sociale d’un
Hegel plus haut que le Contrat social de Rousseau, contre lequel
celui-lá polémise si violemment ».1")
Et plus tard — chose curieuse — la vie pratique le rapproche
encore davantage de « ces messieurs » les philosophes du XVIII*
siécle. Etant devenu recteur du gymnase de Kuopio et y ayant
fondé ses deux journaux Saima et Maamiehen ystavd (L’Ami du
paysan), il écrit, en 1843, á un ami, le philosophe allemand Fried-
rich Reiff, ces mots: « Je suis persuadé que la philosophie moderne,
Hegel et son école, ma modeste personne y comprise, seront un
jour assimilés aux scolastiques.-----------Si la révolution de la
pensée que les derniers cinquante ans ont amenée en Allemagne
ne peut aboutir qu’á des discussions théoriques, on prend, á la
12) Th. Rein, o. c„ p. 341.
13) Th. Rein, o. c., p. 341.