Milli mála - 2020, Síða 87
Milli mála 12/2020 87
FRANÇOIS HEENEN
10.33112/millimala.12.3
3. Il regarda la vitrine.
4. Il regardait la vitrine.
L’exemple à l’imparfait fait voir le sujet regardant la vitrine. On l’ima-
gine dans la rue se tenant debout devant un magasin, son regard
dirigé vers un étalage. Dans une série d’articles consacrés à l’impar-
fait, l’hypothèse a été avancée que ces images mentales étaient géné-
rées par la mémoire encyclopédique à laquelle l’imparfait offre un
accès direct.2 En comparaison, la phrase au passé simple n’impose pas
de se représenter la scène, mais elle ne l’interdit pas non plus.
Une autre particularité aspectuelle du passé simple est son incom-
patibilité avec des énoncés où une des bornes de l’événement est in-
tentionnellement cachée.3 L’énoncé devient acceptable si un complé-
ment rétablit la borne :
5. *Il dormit depuis midi / Il dormit depuis le crépuscule jusqu’à
l’aube.
Par contraste, l’imparfait cache systématiquement les bornes de l’évé-
nement qu’il décrit, comme l’atteste l’exemple 6, ce qui ne l’empêche
cependant pas d’être utilisé dans des énoncés comme 7 où la vision
des bornes est inévitable :4
6. Il traversait la rue.
2 Une unité linguistique conceptuelle comme {chat} donne accès à un certain nombre d’informa-
tions dites « encyclopédiques », par exemple {le chat a le poil doux} ou {le chat aime boire du lait},
qui peuvent, au cas échéant, servir au destinataire à constituer un contexte d’interprétation de
l’énoncé qui contient cette unité. Selon l’hypothèse présentée dans ces articles, l’imparfait, à la
différence des autres temps du passé, impose l’usage de telles informations pour l’interprétation de
l’énoncé. Ces articles sont François Heenen, « Imparfait et Stéréotypes », Milli mála 7/2015,
Reykjavík : Institut Vigdís Finnbogadóttir, pp. 121–149 et François Heenen, « Imparfait et
modalité », Milli mála 8/2016, Reykjavík : Institut Vigdís Finnbogadóttir, pp. 93–117 et égale-
ment François Heenen, « L’imparfait, un temps à deux procédures », Milli mála 7/2017, Reykjavík
: Institut Vigdís Finnbogadóttir, pp. 97–120.
3 Sur cette propriété aspectuelle du passé simple et d’autres liées à l’aspect global voir Danielle
Leeman, « Le passé simple et son co-texte : examen de quelques distributions », Langue française,
Temps et co(n)texte, éd. Jacques Bres, 138/2003, pp. 20–34.
4 Cet usage particulier, appelé « imparfait narratif » a fait l’objet de très nombreuses études, parmi
lesquelles Louis de Saussure et Bertrand Sthioul, « L’imparfait narratif : point de vue (et images
du monde) », Cahiers de praxématique 32/1999, pp. 167–188; et Jacques Bres, L’imparfait dit nar-
ratif, Paris : CNRS, 2005.