Milli mála - 2020, Page 90
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MÉMOIRE ET TEMPS DU PASSÉ
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Mais là encore il y a de nombreux exemples qui contredisent cette
tendance, dans lesquels l’imparfait communique un événement de
premier plan :
18. « Le commandant [...] se jeta sur l’interphone et hurla qu’il
avait à parler à Mr Chisnutt. Trois minutes plus tard, Mr Chis-
nutt se présentait chez le commandant. »11
Une dernière propriété concerne uniquement l’imparfait, celle de
nécessiter un ancrage temporel dans une autre situation. Cela expli-
querait pourquoi un énoncé à l’imparfait isolé se laisse difficilement
interpréter :12
19. ? Il pleuvait.
20. Pierre rentra. Il pleuvait.
Comme annoncé au début de cette section, les propriétés de l’impar-
fait et du passé simple dont on parle dans la littérature sur ces deux
temps sont multiples. Certaines sont constantes, d’autres admettent
de nombreuses exceptions. Elles constituent le matériel de base dont
se servent toutes les approches concernées par la fonction de ces deux
temps, quels que soient leurs objectifs ou leurs bases théoriques.
3 Passé et mémoire
Une partie des énoncés formés avec les temps du passé servent à rap-
porter des souvenirs épisodiques de la vie du locuteur. Si par exemple
je voulais vous raconter les vacances en Italie que j’ai passées avec ma
femme et mes enfants en 2006 je le ferais surtout en utilisant des
temps du passé : imparfait, passé composé et éventuellement plus-
que-parfait et conditionnel passé. Le début du récit serait quelque
chose comme ceci :
11 Pour cet usage particulier dit « de rupture » voir Anne-Marie Berthonneau et Georges Kleiber,
« Pour une réanalyse de l’imparfait de rupture dans le cadre de l’hypothèse anaphorique mérono-
mique », Cahiers de praxématique 32/1999, pp. 119–166.
12 Cette propriété est à la base de l’approche anaphorique de l’imparfait, voir Anne-Marie
Berthonneau et Georges Kleiber, « Pour une nouvelle approche de l’imparfait. L’imparfait, un
temps anaphorique méronomique » Langages 112/1993, pp. 55–73.