Milli mála - 2020, Page 107
Milli mála 12/2020 107
FRANÇOIS HEENEN
10.33112/millimala.12.3
D’après les analyses courantes du plus-que-parfait, ce temps in-
dique soit un rapport d’antériorité entre deux actions dans le passé (=
plus-que-parfait d’antériorité), soit un état résultant d’une action du
passé (= plus-que-parfait de l’accompli). Izumi Tahara interprète ainsi
l’exemple 37 comme une illustration du premier usage et 38 comme
un exemple du second.29
37. « J’ai vu Claire à Noël. Elle avait de nouveau commencé à
suivre un régime. Mais maintenant elle mange de nouveau
comme avant. C’est dommage. »
38. « Hier je n’ai pas apporté son gâteau préféré chez Marie. Elle
avait de nouveau commencé à suivre un régime. »
Dans 37, les trois énoncés représentent clairement trois situations sur
la ligne du temps : {elle avait de nouveau commencé à suivre un
régime} qui précède {j’ai vu Claire à Noël} qui elle-même précède
{maintenant elle mange de nouveau comme avant}. Par contre dans
38, {elle avait de nouveau commencé à suivre un régime} décrit un
état qui caractérise la situation du premier énoncé. Pourtant rien
n’empêche dans 37 d’imaginer aussi un état, en l’occurrence que
Claire était dans l’état de suivre un régime à Noël. Choisir l’une ou
l’autre interprétation pour chacun de ces exemples semble plutôt rele-
ver d’un problème de pertinence. Le schéma temporel est bien marqué
dans 37 et s’impose facilement à l’interlocuteur, alors que dans 38 la
représentation de l’état aide manifestement à comprendre le premier
énoncé.
Il semble évident qu’un énoncé au plus-que-parfait laisse toujours
entrevoir une situation qui a lieu juste après celle décrite par l’énoncé.
Ceci se constate même dans les exemples où le verbe au plus-que-
parfait exprime un état :
39. « Sa femme avait été folle de lui […] ; elle l’avait aimé avec
mille servilités qui l’avaient détaché d’elle encore davantage. »30
29 Voir Izumi Tahara, Usage descriptif et usage interprétatif des temps du passé et des adverbes temporels dans
le discours de fiction, Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2004, DOI : 10.13097/archive-ouverte/
unige :574, p. 233.
30 L’extrait est cité et analysé dans Thara : Usage descriptif, p. 243. L’adverbe « autrefois » a volontai-
rement été retiré de l’extrait pour qu’on puisse juger de la temporalité de l’événement sous-enten-
du sans sa contribution.