Milli mála - 2020, Page 112
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MÉMOIRE ET TEMPS DU PASSÉ
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fait. Ce serait une autre raison pour laquelle certains types d’événe-
ments seraient moins courants à l’imparfait, comme des événements
ponctuels ou des événements qui chevauchent différentes phases ac-
tionnelles.
Pour les énoncés au plus-que-parfait, l’interlocuteur constatera
qu’ils correspondent à plusieurs critères utilisés pour les énoncés au
passé simple. Il en conclut que ces énoncés décrivent des souvenirs
épisodiques et non spontanés comme ceux à l’imparfait, et ce malgré
la ressemblance morphologique entre ces deux catégories. Le point
commun avec l’imparfait peut cependant résider dans le fait que le
souvenir décrit par l’énoncé favorise la récupération d’un autre souve-
nir. Seulement comme le souvenir rapporté avec le plus-que-parfait a
été récupéré selon une cible définie et est pertinent en soi, l’interlocu-
teur pensera que l’autre souvenir, qui est sous-entendu par le locuteur,
doit avoir une référence temporelle différente. Pour identifier ce sou-
venir-là, l’interlocuteur ne va pas utiliser d’hypothèses encyclopé-
diques avec lesquelles il ne pourrait que compléter le souvenir épi-
sodique, mais un schéma d’actions. Si aucun schéma d’actions n’ap-
porte de résultat satisfaisant, l’interlocuteur peut tenter d’inférer le
souvenir sous-entendu uniquement en se basant sur des éléments du
contexte ou il peut tout simplement abandonner l’opération.
Dans cette fiction de la genèse du système des temps du passé du
français nous avons vu que pour comprendre le lien entre le temps
grammatical et un mode déterminé de travail de la mémoire, l’inter-
locuteur vérifie certains critères dans l’énoncé qui selon lui indique-
raient comment le souvenir a été récupéré. Un critère serait par
exemple de voir si l´énoncé décrit un événement dans sa globalité, ce
qui indiquerait que le souvenir vient de la mémoire épisodique, un
autre consisterait à vérifier dans le cotexte s’il y a un événement coré-
férent, ce qui l’orienterait vers la conclusion que le souvenir est spon-
tané. Le locuteur a tout intérêt à construire ses énoncés de telle ma-
nière à faciliter l’usage de ces critères puisque de cette manière il
certifie l’interlocuteur que l’usage du temps grammatical est cohérent
par rapport au mode de travail de la mémoire reflété par l’énoncé. Le
respect de ces critères est donc utile pour maintenir un climat de
confiance entre le locuteur et l’interlocuteur. On peut cependant ima-
giner des situations de communication dans lesquelles le locuteur