Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Page 143
FINLANDE ET LES PAYS NÉO-LATINS
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de passions religieuses. Notons, á titre d’exemple, que Descartes,
l’esprit le plus pénétrant de l’époque, n’avait aucune autorité
parmi les milieux culturels officiels de son pays. Encore en 1671,
vingt et un ans aprés la mort de l’illustre philosophe á Stockholm,
l’archevéque de Paris, par ordre de la Cour royale, défendit de
passer des théses sur sa doctrine (voir Rambaud, Histoire de la
civilisation frangaise, II, Paris, 1911, p. 335).
Les pays néo-latins avaient cependant déployé, malgré l’aus-
tére atmosphére spirituelle de l’Europe tout entiére, une brillante
civilisation profane. L’éclat du « Roi Soleil » commen§ait peu
á peu á rayonner sur les autres pays d’Europe. Avec la langue
frangaise ce furent les arts décoratifs, les meubles, les modes et
les usages fran§ais qui, malgré les contradictions spirituelles, péné-
trérent partout. La révocation de l’édit de Nantes en 1685, qui
peupla l’Europe des meilleurs éléments franfais, contribua cer-
tainement á ce rayonnement. La Finlande subit bien entendu la
méme influence indirecte qui allait en augmentant depuis le régne
de la reine Christine, particuliérement francophile, jusqu’á la fin
de l’époque de Gustave III.4)
Pour étre considéré comme une personne instruite dans les
milieux mondains finnois, il fallait connaítre au moins les élé-
ments de la langue frangaise. A partir d’environ 1670 il y avait
surement un maítre de frangais á l’université de Turku. (Le pre-
mier dont on connaisse le nom s’appela Alexandre du Cloux).5)
Dans beaucoup de manoirs nobles, il y avait déjá au début
du XVIIP siécle une institutrice fran§aise. Les romans d’aventures
comme Gil Blas, par exemple, étaient connus dans les familles
aisées. Il est émouvant de lire qu’en 1730 le pasteur de Helsinki
était abonné au Journal des Scavants et aux Nouvelles de la Ré-
publique des Lettrés et que le pasteur Idman de la paroisse d’Ii,
située prés du cercle polaire, possédait dans sa bibliothéque, d’aprés
l’inventaire de ses biens dressé á sa mort en 1773, de nombreux
ouvrages fran§ais, e. a. des œuvres de Voltaire.0)
4) Sur le rapprochement des milieux officiels suédois et de ia civilisation
fran§aise a l’époque de la reine Christine voir, e. a., Gunnar Castrén, Nor-
den i den franska litteraturen, Helsingfors, 1910, pp. 38 é. 75.
5) Voir Procés-verbal du Consistoire de l’Université de Turku du 9
novembre 1670, d’aprés Carl v. Bonsdorff, Ábo akademis förvaltning
1640—1713, p. 185.
e) Voir Gunnar Suolahti, Eldmda Suomessa 1700-luvulla, Porvoo 1925,
p. 239.