Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Page 149
FINLANDE ET LES PAYS NÉO-LATINS
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Parmi les grands hommes de la jeune Finlande il faut faire,
de notre point de vue, une place á part á Fredrik Cygnaeus. Né
en 1807 a Saint-Pétersbourg, fils de l’évéque des paroisses luthé-
riennes de Saint-Pétersbourg et de l’Ingrie, Fredrik Cygnaeus
avait re$u une éducation trés soignée. Membre du cénacle intime
de Snellman, il partageait son admiration pour les philosophes
allemands, mais surtout pour les suédois Geijer et Tegnér. Comme
ces derniers, il critiquait vivement le XVIIT siécle, qui aurait
fait dépendre la valeur de la science et de l’art de l’utilité qu’ils
ont pour la vie pratique. Chargé de cours d’histoire générale á
l’université de Helsinki depuis 1839, il entreprit en 1843 un
voyage en France et en Italie, qui devait durer plus de trois ans.
Le but en était de recueillir, dans les archives franjaises et italien-
nes, des matériaux servant á éclairer l’histoire de la Finlande.
Son caractére franc, sa capacité de subir des influences, de « s’ins-
taller spirituellement » dans un milieu étranger tout en gardant
intact et actif son grand talent personnel, lui valurent l’accés
auprés des plus nobles représentants de la vie culturelle de cette
époque. En octobre 1844 il fit, á Milan, la connaissance du ro-
mancier et homme politique italien Alessandro Manzoni et plus
tard, la méme année, á Rome, celle du héros de la liberté italienne
Silvio Pellico.
Parmi les connaissances franfaises personnelles de Cygnaeus
figurent des hommes comme Guizot, Michelet, Mignet, le comte
A. de Circourt, qui lui facilitait l’accés aux archives du Minis-
tére des Affaires étrangéres, J.-J. Ampére, Victor Hugo, en l’hon-
neur duquel il écrivit au printemps 1844 un poéme élogieux,
et enfin Lamartine, pour lequel il a exprimé sa profonde admira-
tion dans son poéme Alphonse de Lamartine, composé beaucoup
plus tard (1870) á Helsinki. II écrivit en 1844 en l’honneur de
Chateaubriand également un poéme intitulé Den gamle kristne
skalden (Le vieux poéte chrétien), mais plus tard, en 1857, il y
ajoute la note suivante: « A l’heure actuelle, ce poéme ne saurait
étre apprécié qu’en tant que poéme. Au moment de sa com-
position il exprimait mon opinion sincére á l’égard du célébre vi-
comte ». Cygnaeus connaissait bien et admirait probablement
beaucoup le Génie du Christianisme, qu’il possédait dans sa biblio-
théque et dont les idées se rapprochent, surtout en ce qui concerne
le chapítre « L’instinct de patrie », des siennes les plus chéres. Si
c’est la connaissance plus approfondie de la production littéraire