Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1944, Síða 150
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LE NORD
de Chateaubriand, sa carriére diplomatique passagére ou les ex-
cés de sa vie privée qui ont changé l’opinion de Cygnaeus sur
lui, nous n’en savons rien.
Le long séjour en France permit á Cygnaeus de pénétrer dans
l’áme de la civilisation frangaise, de corriger ses préjugés á l’égard
de celle-ci et, ce qui était le plus important, de développer et
de consolider son gout littéraire et artistique. Sa situation posté-
rieure comme le premier professeur d’esthétique et de littérature
moderne á l’université de Helsinki depuis 1854, de méme que ses
relations trés intimes avec tous les représentants de la vie litté-
raire, artistique et scientifique de la jeune Finlande, le mirent á
méme de se servir de ses acquisitions spirituelles romanes pour le
plus grand bien de son peuple. On sait qu’il fut un des premiers
et des seuls á comprendre le talent d’Aleksis Kivi, grand roman-
cier et poéte finnois, méconnu totalement á ses débuts.
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Le romantisme de la fin du XVIIF et du début du XIX' siécle
avait soulevé un vif intérét pour la poésie populaire et les autres
manifestations spontanées de la vie des peuples. Attirant l’atten-
tion des savants sur la langue par laquelle s’expriment ces phéno-
ménes, il engendra la philologie moderne qui, rendant les langues
et les civilisations étrangéres accessibles á toute la nation, a con-
tribué á établir les relations culturelles entre les peuples européens
sur une base plus large qu’auparavant.
La plupart des études publiées dans le domaine de la philo-
logie moderne en Finlande traitent bien entendu de questions spé-
ciales qui n’offrent guére d’intérét pour le grand public méme
instruit. Mais la Finlande peut montrer, surtout dans le domaine
de la philologie romane, des savants qui non seulement ont ap-
porté leur contribution absolue á la civilisation étrangére qu’ils
ont étudiée, mais qui ont réussi aussi á transmettre á leur peuple
les fruits de leurs études. Parmi ces esprits á la fois larges et
disciplinés, européens et finnois, il faut mentionner surtout deux
grands savants et précurseurs, C. G. Estlander, né en 1834, éléve
de Fredrik Cygnaeus et son successeur á la chaire d’esthétique et
de littérature moderne á Helsinki de 1868 á 1898, et Werner