Milli mála - 01.06.2016, Blaðsíða 149
ALEXANDER KÜNZLI, GUNNEL ENGWALL
Milli mála 8/2016 149
présente un intérêt non seulement pour la recherche sur Strindberg
en particulier, mais aussi pour la traductologie et la traduction
littéraire en général, étant donné que Strindberg peut être considéré
comme un pionnier d’un phénomène toujours plus fréquent dans le
contexte actuel de la mondialisation : l’écriture bilingue.
Nous commencerons par un survol des études sur le français de
Strindberg, avant de décrire notre corpus et nos principes d’analyse.
Nous poursuivrons par l’analyse et la discussion d’exemples et
conclurons par un résumé des principaux résultats et la discussion
des perspectives de recherche.
2. Le français strindbergien
Le français est la première langue étrangère vivante apprise par
Strindberg à l’école. Après des études de langues modernes à
Uppsala, il fait un premier séjour à Paris en octobre 1876, en tant
que correspondant pour le quotidien suédois Dagens Nyheter. Entre
1883 et 1897, il passe plusieurs années en « exile », surtout en
France et en Suisse romande9, et se met à écrire en français pour
atteindre un public plus large. La citation suivante résume bien son
état d’esprit : « Si j’ai l’intention de devenir écrivain français ? Pas
du tout ! Je me suis uniquement servi du français faute de langue
universelle et je vais continuer à le faire quand j’en aurai besoin. »10.
Cependant, vers la fin des années 1890, il se lasse de plus en plus
d’écrire dans une langue étrangère et s’exprime différemment : « la
langue Française m’as [sic !] détruit mon style Suédois, de sorte que
je me sens forcé de faire des exercices suédoises [sic !] pour me
rattraper. »11.
Étant donné que Strindberg a rédigé plusieurs de ses œuvres
directement en français, la question se pose de savoir comment la
9 Voir Gunnel Engwall, « Strindberg et ses contacts français », Mots chiffrés et déchiffrés. Mélanges
offerts à Étienne Brunet, éds Sylvie Mellet et Marcel Vuillaume, Paris : Honoré Champion, 1998,
pp. 473–501 ; Gunnel Engwall, « Strindberg, journaliste français ». Strindberg en héritage. Études
germaniques, 68 : 4, éds Sylvain Briens, Mickaëlle Cedergren, Marthe Segrestin et Anna Svenbro,
Paris : Klincksieck, 2013, pp. 517-542.
10 Lettre à Edvard Brandes, vers le 1er juillet 1885, August Strindbergs brev, tome 5, éd. Torsten
Eklund, Stockholm : Bonniers, 1956, p. 122 ; notre traduction.
11 Lettre à Georges Loiseau, le 6 juillet 1898, August Strindbergs brev, tome 12, éd. Torsten Eklund,
Stockholm : Bonniers, 1970, p. 334.