Milli mála - 01.06.2016, Side 93
ERLA ERLENDSDÓTTIR
Milli mála 8/2016 93
François Heenen
Université d’Islande
Imparfait et modalité
1. Introduction
Les imparfaits contrefactuels (« Encore un peu et je tombais dans le piège ») et hypothétiques (« Si j’étais riche je ferais le tour du
monde ») se distinguent des emplois standards par l’expression
d’une valeur modale, une certaine irréalité des faits ou une distan-
ciation du locuteur vis-à-vis de la réalité en vigueur au moment de
l’énoncé. Les théories divergent concernant l’origine de cet effet
modal. Faut-il l’expliquer comme venant d’un usage métaphorique
de la distance entre le présent et le passé1? Ou au contraire, faut-il
y voir l’exemple d’un sens plus abstrait délivré par les temps du
passé, une exclusion de la réalité immédiate du locuteur2. Pour cer-
tains l’explication se trouve plutôt du côté de l’aspect imperfectif
qui atténuerait la force d’assertion de l’énoncé en effaçant la phase
finale du procès3. Bien d’autres explications encore ont été avancées,
certaines portant également sur d’autres emplois non-standards
comme l’imparfait de politesse, l’imparfait préludique, l’imparfait
hypocoristique, et l’imparfait en disours indirect. Aucune d’entre
elles, à ma connaissance, ne considère la possibilité que l’imparfait
soit utilisé dans ces usages parce qu’il est plus apte que d’autres
catégories verbales du français à exprimer certaines valeurs modales.
1 Voir par exemple Paul Imbs, L’emploi des temps verbaux en français moderne. Essai de grammaire desc-
riptive, Paris : Klincksieck, 1968, p. 98.
2 Voir par exemple Pierre Le Goffic, « Que l’imparfait n’est pas un temps du passé », Points de vue
sur l’imparfait présenté par Pierre Le Goffic, Caen : Centre de Publications de l’Université de Caen,
1986, pp. 55-69, ici pp. 55–56.
3 Voir par exemple Adeline Patard et Arnaud Richard, « Attenuation in French simple tenses »,
Cahiers Chronos 22/2011, pp. 179-209.