Milli mála - 01.06.2016, Page 103
FRANÇOIS HEENEN
Milli mála 8/2016 103
pour expliciter le substantif {librairie}. Il s’agira d’une librairie de
la rue où se trouve Jean quand il rentre chez lui.
Voyons maintenant un exemple d’imparfait contre-factuel 19:
8) Paul à Jean : « Encore un peu et le train déraillait »
Imaginons que Paul et Jean voyagent en train et qu’à un moment
du voyage le train se mette à tanguer donnant l’impression d’être
sur le point de dérailler. Mais heureusement l’incident se termine
avec plus de peur que de mal et le déraillement ne se produit pas.
C’est juste après cette expérience traumatisante que Paul dit cette
phrase à Jean. Supposons que la forme logique de l’énoncé soit {à un
moment t du passé le train déraille}. Étant donné que le souvenir de
l’incident est encore frais dans la mémoire des deux interlocuteurs,
il semble évident à Jean que le moment t y fasse référence. La forme
propositionnelle est donc p{au moment de l’incident le train
déraille}. Cette pensée est fausse et elle n’est pas capable d’éliminer
celle du contexte initial que le train n’a pas déraillé. Si la RS n’a
aucune chance d’être pertinente dans aucun des contextes accessi-
bles à Jean, on peut se demander pourquoi Paul a exprimé cet
énoncé. Qu’est-ce que Jean est supposé en déduire ? Pour répondre
à cette question, je vais faire un parallèle avec une possibilité sup-
plémentaire de construction de contexte envisagée par la TP .
Reprenons pour cela le dialogue entre Jean et Jeanne :
9 a) Jeanne « J’aimerais bien manger un osso-bucco ce soir »
9 b) Jean : « J’ai eu une une journée difficile. Je suis fatigué »
Supposons comme avant que le contexte initial dont dispose Jeanne
après avoir interprété les énoncés de Jean soit constitué des hypo-
thèses suivantes :
{Jean a eu une journée difficile}
19 Parmi les nombreuses études sur cet usage de l’imparfait je cite Anne-Marie Berthonneau et
Georges Kleiber, « Un imparfait de plus…et le train déraillait », Modes de repérages temporels, textes
réunis par Sylvie Mellet et Marcel Vuillaume, Amsterdam-New York : Rodopi, 2003, p. 1–24 et
Jacques Bres, « Encore un peu, et l’imparfait était un mode. . . « L’imparfait et la valeur modale
de contrefactualité », dans Cahiers de praxématique, vol. 47, Montpellier : Presses universitaires de
la Méditerranée, 2006, pp. 149-176.