Milli mála - 01.06.2016, Síða 151
ALEXANDER KÜNZLI, GUNNEL ENGWALL
Milli mála 8/2016 151
elle s’est mise à cerner les spécificités du français de Strindberg et la
façon dont ses textes avaient été révisés. Les résultats de ses analyses
indiquent que Georges Loiseau, le réviseur attitré de Strindberg et
censé aider ce dernier à se faire une place sur la scène littéraire
française, avait corrigé bien plus que nécessaire, n’hésitant pas à
réécrire Strindberg plutôt que de le réviser. Engwall constate égale-
ment que Strindberg s’est certes peu soucié de la morphologie, mais
que la richesse de son vocabulaire est impressionnante.
À part Engwall, c’est Olof Eriksson qui a analysé de manière
plus systématique les caractéristiques du français de Strindberg. Les
résultats de ses recherches rejoignent les observations d’Engwall :
« Strindberg ne mérite pas sa mauvaise renommée en tant qu’auteur
français. […] Sur le plan strict de la structure phrastique, il n’est
pas loin d’atteindre son but autoproclamé de parvenir en français à
‘un style aussi aérien que Maupassant’. »16. Eriksson remet ainsi en
question le bilan négatif de Gravier, de Bjurström et de Brandell.
Plus récemment, il a montré que la construction des phrases chez
Strindberg est très française, allant jusqu’à déclarer que « les
structures fondamentales chez Strindberg sont dans une large
mesure celles du français littéraire »17.
Si nous ajoutons à ces constats les observations de Grimal
concernant « l’originalité frappante et la beauté incontestable de la
langue »18, et de Balzamo, qui parle d’un « idiolecte strindbergien,
hautement hétérodoxe et d’une grande puissance suggestive »19,
nous pouvons constater une évolution dans l’appréciation du français
strindbergien. Alors que son français était d’abord analysé du point
de vue de ses défauts et notamment des infractions aux normes
linguistiques françaises (conjugaison, accord, construction des
verbes, mode…), la recherche relève de plus un plus l’originalité de
son écriture. On peut donc émettre l’hypothèse que c’est en raison
16 Olof Eriksson, « Strindbergs franska : en språklig paradox », Strindberg och det franska språket, Växjö
University Press, 2004, pp. 112–125, ici p. 123 ; notre traduction.
17 Olof Eriksson, « Explicit och implicit översättning : exemplet Légendes », Strindbergiana 28/2013,
pp. 93–101, ici p. 96 ; notre traduction.
18 Sophie Grimal, « En författares försvarstal. En omvärdering av Strindbergs franska i ‘Inferno’ »,
Strindbergiana 11/1996, pp. 72–81, ici p. 81 ; notre traduction.
19 Elena Balzamo, « Le substrat français dans ‘Utopies dans la réalité’ », Strindberg och det franska
språket ; Föredrag från ett symposium vid Växjö universitet 22-23 maj 2003, éd. Olof Eriksson, Växjö :
Växjö University Press, 2004, pp. 35–47, ici p. 36.