Milli mála - 01.06.2016, Blaðsíða 152
LE FRANÇAIS STRINDBERGIEN EN TRADUCTION
152 Milli mála 8/2016
du grand nombre d’erreurs élémentaires, qui saute aux yeux lors
d’une première lecture rapide, que l’idiomaticité et la créativité du
français strindbergien avaient pendant longtemps été occultées20.
Qui plus est, on peut penser que les infractions aux normes françaises
ont été interprétées comme des maladresses chez Strindberg, dans la
mesure où il était un locuteur non natif du français, alors que chez
un écrivain français, ces mêmes déviations auraient été interprétées
comme des manifestation d’un désir de créer un idiolecte. Cette
hypothèse mériterait d’être étudiée à part, par exemple sous forme
d’entrevue avec un groupe de critiques littéraires francophones.
Nous partageons cette nouvelle attitude des chercheurs récents
envers le français de Strindberg. Selon nous, maintes déviations
linguistiques trouvées dans les textes français de Strindberg sont
intentionnelles et font partie de son style caractéristique et novateur.
Il y a donc lieu d’étudier ces spécificités et d’examiner comment les
traducteurs les ont rendues dans leurs versions. Nous le ferons en
analysant dans ce qui suit trois exemples. Les extraits sont tirés du
manuscrit original de Strindberg, de la première édition française
du Plaidoyer d’un fou et des traductions les plus récentes en suédois
et en italien.
Après ce survol des différents points de vue sur le français de
Strindberg, nous passons maintenant à la description de notre
corpus.
3. Le corpus
Comme nous l’avons indiqué, la présente contribution portera sur
le Plaidoyer en français, en suédois et en italien. Tout d’abord, il faut
préciser notre corpus et rendre compte de la relation complexe entre
texte original, copies et (re)traductions.
En rédigeant son texte, Strindberg avait copié simultanément le
manuscrit original dans un « livre de copie »21. Cet exemplaire
servait de texte de départ à la première traduction allemande qui, à
20 Olof Eriksson, « Strindbergs franska : en språklig paradox », Strindberg och det franska språket ;
Föredrag från ett symposium vid Växjö universitet 22-23 maj 2003, éd. Olof Eriksson, Växjö University
Press, 2004, pp. 112–125, ici p. 115.
21 Concernant cette technique que Strindberg utilisait à cette époque pour dupliquer ses manuscrits,
voir Künzli et Engwall, 2010 (note 4 plus haut).