Milli mála - 01.06.2016, Blaðsíða 168
LE FRANÇAIS STRINDBERGIEN EN TRADUCTION
168 Milli mála 8/2016
je vous aie donné les mobiles psychologiques d’une perversité d’ailleurs
insaisissable pour moi, mais une explication d’un fait n’équivaut point à
une défense contre les suites, et puisque le fait nous ait gagné l’expulsion
de la société et un affront ouvert, je te prémunis contre les conséquences.
— Et les preuves, s’il te plaît, que cela existe.
— Les aveux ! D’abord tu t’es déclarée éprise de mademoiselle Z ; puis tu
m’as raconté que les deux filles se sont plaintes cyniquement d’une certaine
incompatibilité de corps, qui leur laissaient les amours inassouvies ;
ensuite mademoiselle Z. a declaré devant moi, et toi, ivre comme
d’habitude, qu’elle serait condamnée à la déportation si elle demeurait dans
son pays.
(272 mots)
Strindberg ne mâche pas ses mots. Son texte contient des références
explicites aux prétendues tendances lesbiennes de Maria et de ses
amies. Qu’en fait Georges Loiseau ?
Première édition française (1895)44 :
— Tu es jaloux ?
— Oui, certes ; je suis jaloux : jaloux de mon honneur, de la dignité de ma
famille, de la renommée de ma femme, de l’avenir de mes enfants ! Et ta
mauvaise conduite vient de nous mettre au ban de la société des honnêtes
femmes. Se laisser embrasser ainsi en public par un étranger ! Sais-tu bien
que tu n’es pas autre chose qu’une folle, puisque tu ne vois rien, n’entends
rien, ne comprends rien, renonces à tous sentiments du devoir ? Mais je te
ferai enfermer si tu ne te corriges pas, et pour commencer, je te défends
dorénavant de voir tes amies.
— C’est toi qui m’as encouragée à séduire la dernière venue.
— Pour te tendre un piège et te surprendre, oui !
— D’ailleurs as-tu des preuves sur le genre des relations que tu soupçonnes
s’être établies entre mes amies et moi ?
— Des preuves, non. Mais j’ai tes aveux, ce que tu m’as cyniquement
raconté. Et puis ton amie Z ... n’a-t-elle pas déclaré devant moi qu’elle serait
condamnée à la déportation pour ses mœurs si elle habitait son pays ?
(187 mots)
L’extrait chez Strindberg compte 272 mots contre 187 chez Loiseau.
44 Le Plaidoyer d’un fou, révision française de Georges Loiseau, pp. 392–393.