Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1938, Blaðsíða 200
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LE NORD
n’ont pas estimé devoir ratifier formellement cette convention,
accordent aux réfugiés de l’Office Nansen un traitement aussi
favorable á tous points de vue que celui prévu dans cet arrange-
ment. C’est le cas, par exemple, en Finlande aussi bien qu’en Suéde.
Plus je me suis occupé du probléme des réfugiés, plus j’ai été
convaincu qu’il est indispensable de leur garantir des droits de
quasi-citoyens au moins, puisque, par le fait d’avoir du quitter
leur patrie et d’avoir perdu leur nationalité, ils se trouvent dépour-
vus de toute protection diplomatique et consulaire. Rien n’est plus
pénible pour des étres humains que cette insécurité constante, cette
inquiétude pour l’avenir, cette crainte d’étre privés d’un jour á
l’autre du droit de séjour et de travail, d’étre méme expulsés, com-
me il est arrivé dans des milliers de cas, pour recommencer leur vie
de bétes traquées. Les moindres troubles internationaux les font
trembler et tout mouvement anti-étranger qui se déclanche dans
leur pays de refuge peut mettre leur existence en péril. Tout ré-
cemment, á la suite de la nouvelle réglementation pour les étrangers
en France, ou l’on fut pourtant toujours si généreux envers les ré-
fugiés, une véritable panique s’est emparée de ces derniers. Mais,
comme on pouvait le penser, les autorités nationales n’ont pas un
instant songé á renier les engagements internationaux et la tradi-
tion d’hospitalité de la France; ce qui n’empéche pas, malheureuse-
ment, qu’un trés grand nombre de réfugiés qui n’avaient pas
renouvelé leur carte d’identité, par négligence mais surtout faute
de moyens pécuniaires ou qui, pour d’autres raisons, n’étaient pas
en régle avec la loi, se trouvent exposés á des mesures sévéres.
Ce qui est en tout cas incontestable c’est que, un peu partout,
ce sont les fonctionnaires subalternes qui, par ignorance ou par
oubli des arrangements internationaux ou des réglements intéri-
eurs, ont tendance á agir arbitrairement vis-á-vis des malheureux
sans protection. C’est pourquoi j’estime que méme si dans quel-
ques années d’ici le probléme des réfugiés pouvait étre déclaré
résolu au point de vue purement humanitaire, il y aurait lieu de
continuer á leur assurer une protection politique et juridique jus-
qu’á ce que tous aient acquis le droit de citoyens d’un pays quel-
conque, car il n’est pas admissible qu’il existe dans une société
civilisée des étres qui — comme c’est le cas pour l’immense
majorité des réfugiés — parce qu’ils ont été victimes d’un sort
cruel, demeurent des hors-la-loi avec toutes les tristes conséquences
morales et économiques qui en découlent aussi bien pour ces
malheureux que pour la société dans laquelle ils vivent.