Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Blaðsíða 48
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LE NORD
Suéde la vie intellectuelle a présenté de tout temps un élément
idéaliste et platonique, qui en somme serait plus fort et plus
sensible que chez les peuples voisins. II est intéressant á ce propos
de lire l’article de Harald Hœffding dans la publication Norden
1902 (dont la suite n’a jamais paru, á ma connaissance) sur les
différences de la philosophie danoise et de la philosophie suédoise
(Svensk og dansk Filosofi, p. 88 et suiv.). Hœffding suit une
ligne platonisante depuis ce dominicain Petrus de Dacia, de Goth-
land, au XIIIe siécle, que, dans son célébre livre de 1916, Henrik
Schiick appelle « notre premier écrivain ». Le portrait de sa sainte
préférée, la paysanne Christine de Stommeln, prés Cologne, con-
tient beaucoup de pensées qui rappellent de trés prés celles du
Banquet et du Phédre de Platon; naturellement, il avait regu ses
pensées indirectement et sans en avoir lui-méme conscience —
s’il avait eu conscience de ce qu’elles présentaient de dangereux,
cela l’aurait sans doute effrayé et lui aurait arraché le « aide-moi,
Marie »!« que crie le moine de Victor Rydberg dans sa cellule.
II est facile de retrouver des traits analogues chez sainte Brigitte.
Et la philosophie suédoise a continué longtemps dans cette voie
— il suffit de rappeler les noms de Geijer, de Bostrœm, de Pontus
Wikner. On peut y ajouter bien d’autres: les grands poétes
de la fin du XVIII' siécle et de la premiére moitié du XIX'
étaient, dans leurs idées et dans leurs images, consciemment et
souvent, sans doute, inconsciemment, platoniciens. Ainsi Kell-
gren, déjá, dans ses derniéres œuvres, et, dans « La nouvelle
création », on peut presque parler d’une véritable conversion
platonicienne. Franzén et 'W'allin étaient platoniciens; par eux,
le platonisme chrétien s’est introduit dans le livre de cantiques
de l’Église suédoise, ou il occupe encore une place dans la nouvelle
édition de 1937. Tegnér — plus qu’aucun autre — était, dans
ses meilleurs instants, platonicien, conscient et inconscient, de
méme que son grand successeur comme gardien de l’humanisme,
Victor Rydberg. Ce platonisme était souvent transmis par l’inter-
médiaire de la philosophie et de la poésie allemandes (Schelling,
Schiller) et méme anglaises. Des philosophes plus récents de
tendances différentes ont étudié Platon directement (Vitalis Nor-
strœm, Hans Larsson) et, entre autres choses, se sont arrétés á
sa doctrine hellénistique du metron. Je n’essaierai pas de décrire
ce que Platon a signifié pour les derniers penseurs contemporains,
ni ce qu’il a pu donner — d’une maniére trés diffuse — aux
poétes de la jeune génération. D’une fa§on générale, les problémes