Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Side 63
L’HUMANISME DANS LE NORD
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elle n’a guére été uniquement heureuse. Je ne prononcerai pas
non plus de jugement sur l’attitude des successeurs de Grundtvig,
ni ne rechercherai qui étaient ses vrais disciples. C’est un fait
qu’il y avait lá, explicitement ou non, un humanisme national
d’une grande importance pour le Danemark et pour ses voisins,
humanisme qui voulait étre chrétien, avec une liberté chrétienne.
Je n’essaierai pas de faire le départ entre ce qu’il y avait dans
ce courant de vivant et de mieux, et ce qui était passager et qui
n’appartenait qu’á l’époque. On ne saurait nier non plus qu’il
y avait lá une union d’humanisme et d’humanité — comme,
malgré les dissemblances, chez Geijer en Suéde — dont on ne
trouve pas bien souvent la contrepartie. Et nous tenons lá un
trait fondamental du probléme de l’humanisme et notamment de
l’humanisme chrétien en Danemark. Si j’ai bien compris, le Dane-
mark a maintenant besoin d’une nouvelle synthése de l’humanité
et de l’humanisme, du chrétien et de l’humain. On peut trouver
chez des Danois des paroles qui traduisent ce besoin et on entend
affirmer que ni la science humaniste ni la théologie — notamment
dans l’esprit de Karl Barth — n’ont fait ce qu’elles devaient
faire á cet égard. Et on ne peut croire qu’une nation avec des
traditions si fortes et si particuliéres sur les deux fronts et méme
dans la question de leur entente, ne puisse pas trouver une nouvelle
synthése ou une voie nouvelle vers l’union dans ces temps graves.
II faut nommer encore un grand nom en Danemark, le plus
grand: Sceren Kierkegaard. C’est un géant comme humaniste et
comme chrétien. Lui voulait sans doute sacrifier le moins grand
au plus grand, au seul grand. Il n’y a guére entiérement réussi;
il resta, dans la bonne et dans la mauvaise fortune, ce qu’il était,
jusqu’á la fin. Et par lá son influence est encore grande, méme
pour ce qu’il voulait sacrifier. Ses successeurs ou presque succes-
seurs semblent avoir été souvent plus facilement disposés á con-
sommer le sacrifice, soit qu’ils n’aient pas senti le sacrifice de
l’humain comme un sacrifice, soit qu’ils n’aient rien eu á sacrifier.
Aussi n’y a-t-il eu chez eux ni tension ni grandeur, et le tout reste
en dehors de la question de l’humanisme. C’est tout ce que j’ose
dire sur ce cöté compliqué et obscur du probléme.
Quant á la Finlande, depuis que son histoire est séparée de
celle de la Suéde — ce qui est le cas sans doute á plus d’un
d’égard depuis 130 ans — il est á la fois facile et difficile de se
prononcer. Beaucoup de choses paraissent á premiére vue