Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Page 50
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platonisme des grands Péres de l’Église a passé dans son chris-
tianisme, qui était á la fois trop simple et trop vivant pour
former jamais un systéme logique ferme et rigide. Peut-étre est-ce
lá un trait particulier au christianisme et á l’humanisme suédois.
II faut bien retenir ce trait fondamental du Suédois si l’on
veut comprendre la forte réaction contre toute forme de libé-
ralisme en matiére de religion et de théologie et contre l’union
de l’idéalisme et de l’humanisme á la religion chrétienne, qui ca-
ractérise la théologie suédoise des dix derniéres années, surtout
á l’université de Lund. Pour cette conception, Platon devient
facilement le grand adversaire et le platonisme un poison, á tout
le moins s’il veut toucher á la religion, car pour la culture et les
questions profanes, il garde encore une certaine importance. Ce
n’est pas ici l’endroit d’entreprendre un exposé ou un résumé
détaillés ni de faire éventuellement la critique de l’ouvrage á bien
des égards magistral d’Anders Nygren: Eros et Agape (I, 1930;
II, 1936) avec ses qualités et ses défauts, ni de montrer ce qu’il
y a de conditionné dans l’antithése — ou dans la simplification
dont les disciples se sont peut-étre rendus coupables. II faut, sans
doute, éclaircir les traits particuliers des deux aspects, sans les
opposer de toute force l’un á l’autre. Je laisse toutefois cette
question de cóté. Mais cette querelle, qui, par sa véhémence, peut
sembler parfois dirigée contre toute forme d’idéalisme et d’hu-
manisme en général, notamment lorsque ces deux forces s’unis-
sent á la foi chrétienne, témoigne á sa fagon de l’ancienne influence
de l’humanisme en Suéde — qu’on reconnaisse son pouvoir ou
qu’on le combatte.
Il va presque sans dire que l’humanisme, surtout celui qui
entend se fonder sur le christianisme, se soit efforcé d’établir une
union en face des nombreuses menaces de l’époque présente et
de prendre des mesures pour lutter et se défendre (L’« Associa-
tion pour l’humanisme chrétien », á cóté de l’ancienne « Associa-
tion humaniste », d’orientation surtout classique). Ces mesures
ont éveillé l’intérét aussi en Danemark et en Norvége. Dans la
lutte contre le matérialisme, le culte du pouvoir et le relativisme
spirituel, le mouvement n’a guére joué encore un bien grand róle,
mais elle est á sa fafon le symptóme d’une veine humaniste et
idéaliste dans la vie intellectuelle suédoise.
Naturellement, le rattachement á la culture classique n’est
plus évident, peut-étre est-il ignoré de la grande majorité et
formellement nié par d’autres. Mais il est entretenu par quelques