Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Page 61
L’HUMANISME DANS LE NORD
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une édition plus élégante); on les prenait volontiers pour de la
vraie poésie centrale helléne, bien que ces œuvres datassent d’une
époque de beaucoup postérieure, qui avait une conception toute
différente de la nature, des hommes et des dieux, et bien qu’elles
fussent empreintes d’une forte sentimentalité, etc. Est-ce un simple
effet du hasard qu’on retrouve des motifs des poésies anacréon-
tiques parmi les reliefs classiques de Thorvaldsen, Eros-Amour,
qui, réveillant le dormeur en pleine nuit pour se réfugier et se
réchauffer auprés de lui, le blesse de son trait, etc? — Ce n’est
pas faux tout cela, mais c’est seulement une part de la vérité,
un petit fragment d’une histoire longue et changeante. Lorsque,
aprés un long intervalle, comme j’ai eu l’occasion de le faire en
été 1939, on reprend l’étude de Thorvaldsen et s’efforce de
pénétrer de nouveau dans son monde classique, on est frappé
non seulement par sa « delicatezza », qui est indéniable, mais
aussi par une pureté et une simplicité de l’áme, et par un senti-
ment des lignes les plus belles, sinon les plus fortes — ni toujours
les plus vraies — et de ce qui, dans un certain sens, est exemplaire,
qualités qui ont incontestablement exercé une profonde influence
et se sont ancrées solidement en Danemark et dans le reste du
Nord. Il suffit de rappeler la pathétique élégie de Bernhard Elis
Malmstrœm á la mort de Thorvaldsen. Cette influence s’est
étendue bien au-delá des limites de l’art. Qu’il y ait — pour
déraisonner — un certain humour nordique chez Thorvaldsen
á cöté du jeu grec avec les amours, etc., contribue á relever le
trait indiqué (je pense par exemple aux enfants rieurs et au chien
du grand groupe profondément sérieux de Jean Baptiste). Peut-
etre Victor Rydberg a-t-il raison lorsque, dans son « Prométhée
et Ahasvérus » il attribue á 1 ’art une röle de conciliateur dans les
apres luttes sociales; l’artiste est le soldat de Prométhée á cöté
du chantre et du penseur, mais il combat par la création de l’har-
monie, d’une le^on de vie sociale en marbre:
... skönhet, ádelhet och ára
ej blott at kransad fris och gavelgrupp,
som báres högt av pelarrader upp,
men ock át sjálve pelarna, som bára.:;')
1’
On ne saurait s’exagérer le röle de l’art, particuliérement de
art antique, dans la philosophie de Rydberg, question qui méri-
. *) La beauté, la noblesse et l’honneur n’orneront plus seulement les
rrises et les groupes de fronton couronnés, hautement soutenus par des
rangées de colonnes, mais aussi les colonnes qui les supportent.