Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Page 57
L’HUMANISME DANS LE NORD
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ment intellectuel est souvent le méme que celui des péres chrétiens
contemporains.
Je n’ose me prononcer sur la question de savoir jusqu’á quel
point était profond chez le peuple cette aspiration visible vers
une synthése de la Gréce et du Christ — ou de l’humanisme et
du christianisme, si l’on veut. La question est restée vivante, peut-
étre comme un aiguillon dans la conscience — je crois en avoir
constaté plusieurs exemples —, mais elle ne s’est plus posée si
radicalement et si fondamentalement que chez le grand question-
neur. Dans la plupart des cas on a choisi — et on a passé d’un
cöté ou de l’autre. Souvent la position morale devient alors in-
tenable par le fait méme qu’on a choisi. On oublie ou affecte
d’oublier le cöté qu’on n’a pas choisi, et l’on ne pense pas au
droit pour l’autre partie d’exister — et d’exister, dans des limites
raisonnables, fixées en toute franchise, á cöté de la forme de vie
qu’on a préférée pour soi et d’autres formes. Nous avons tous
de la peine á étre justes sur ce point, ou que nous demeurions, á
quelque pays ou nation et époque que nous appartenions. Pour-
tant il semble bien que le probléme se soit posé en Norvége avec
une force toute particuliére. D’ou ces véhémentes discussions entre
les partis extrémes, par exemple le communisme et l’orthodoxie
piétiste de l’Église, mais aussi entre des mouvements qui étaient
relativement proches les uns des autres. Parfois on a aussi, en
Norvége plus que dans les autres pays du Nord, tiré les con-
sequences extrémes des points de vue et des doctrines. Ce qui ne
veut pas dire qu’Ibsen fut l’homme qu’il fallait pour établir une
synthése des forces en lutte ou que sa formule mystique indique
la bonne solution — c’est bien plutöt le contraire qui est vrai.
Quel écho ses paroles trouvérent chez le peuple, je ne saurais le
dite, mais elles traduisent en tout cas á leur fa^on l’éternelle in-
quiétude de la conscience devant l’alternative.
II y aurait peut-étre un certain intérét á s’arréter un instant
a une formule d’un sens analogue qui a joué un certain röle en
Suéde. Ce sont les derniéres paroles du « Dernier Athénien » de
Victor Rydberg (1859): « L’antiquité et le christianisme se com-
penétrent. Leurs vérités doivent s’unir en un tout harmonieux. »
faut rapprocher ces mots de l’ensemble du roman — dont la
conception, elle, n’est peut-étre pas tout á fait harmonieuse —
et de la préface adressée á Hedlund. C’est, pour l’auteur, l’Orient
et l’Occident qui se combattent et doivent s’unir. Yictor Ryd-
°erg a bien reconnu par la suite que les difficultés de cette récon-