Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Side 52
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LE NORD
nisme dans ces temps difficiles et hostiles. Parfois exigences
et vœux se mélent. Le poéte prétend surtout exalter et purifier
le cóté humain, non-animal, peut-étre en cultiver certains aspects,
sans établir un rapport avec d’autres périodes d’éclat dans le
passé, comme l’ancienne Gréce ou d’autres époques. Et en pleins
réalisme et modernisme conscients, il peut s’arréter á certains
aspects de la vie humaine, qu’il pose en modéle, comme une
norme, qui peut-étre se rattache en derniére analyse au pouvoir
que Platon appelle Eros. — Le moraliste et le sociologue en-
visagent la question d’une autre fafon, tout en se servant des
mémes mots. A une époque qui est caractérisée de plus en plus
par la barbarie parmi les hommes et les sociétés, ils veulent dé-
fendre coute que coute ce que l’homme a de bon dans ses rap-
ports avec les autres hommes et dans la vie sociale, non pas tant
la bonté la plus élevée et la plus exemplaire, ni la supréme bonté
pour la pensée et l’imagination, mais la bonté dans la vie de
tous les jours, la charité, la solidarité, la modération, le respect
de la valeur humaine, etc. — tout ce qu’on semble vouloir oublier
actuellement. Méme lá, on trouve, si l’on veut, l’appui du pla-
tonisme et de l’humanisme: le bon, l’idée du bon était chez Platon
le supréme bien dans le monde des humains, tant pour la pensée
que pour la société, la limite supréme. Mettez Dieu á la place,
et la pensée devient évidente pour le chrétien, quelle que soit
sa confession. On commence á se rendre compte de divers cótés
que, si dans l’avenir nous voulons étre des hommes et non des
bétes, il faut conjuguer nos efforts pour le bien, par-dessus les
barriéres théoriques et dogmatiques et les différences de races.
Telle est en tout cas chez nous la voie qui méne au nouveau
culte de l’« humanisme ». Nous recherchons de différentes fa§ons
quelque chose de commun, un point de départ pour une action
commune pour combattre l’obscurité et les troubles, la soif du
pouvoir et la violence. Les mots ont leurs destinées. Humanite
et humanisme, dans le sens moderne de ces mots, n’étaient autre-
fois, peu de temps avant la naissance de Jésus-Christ (et aussi
plus tard), que deux nuances de sens d’un méme mot, humanitas.
L’ironie de l’histoire paraít maintenant avoir de nouveau rap-
proché les deux sens, créant ainsi un probléme qui préoccupe
bien des penseurs, en Suéde et ailleurs. Il se peut que beaucoup de
gens, dont les convictions sont faites dés le début ou depuis long-
temps, se moquent de cette « œcuménique » — le mot, il est vrai,
est laid — sans formes précises, sans statuts, sans comités. On