Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Blaðsíða 51
L’HUMANISME DANS LE NORD
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noms éminents dont il est difficile de ne pas tenir compte: Esaias
Tegnér, Victor Rydberg, et d’autres, ainsi que plusieurs représen-
tants des sciences. Que les grands philologues ne garantissent
pas une attitude consciente, nous l’avons dit précédemment — il
suffit de rappeler le grand Danois Madvig. D’autre part, il n’est
pas toujours vrai que l’opposition á tout ce qui paraít une con-
tamination du christianisme entretienne l’opposition et l’esprit de
combat de l’humanisme en le rattachant á une profonde opposi-
tion populaire: c’est ce que montre cet autre Danois Sœren Kierke-
gaard, chez qui l’opposition prend son point de départ dans une
attitude religieuse, intellectuelle et artistique des plus élevées. Le
Danemark a aussi compté á une époque récente de grands re-
présentants des études classiques (J. L. Heiberg entre autres) qui
s’opposaient au christianisme plus nettement et plus consciem-
ment que leurs contemporains en Suéde et en Norvége — et
non sans rapport avec Kierkegaard. On peut constater ici peut-
etre un certain changement aprés la disparition des grands maítres;
je renvoie par exemple au livre de Franz Blatt (professeur á
l’université d’Aarhus): «• Humanistisk Dannelse, dens Væsen og
Vœrdi » (La culture humaniste, sa nature et sa valeur), 1936,
dont je n’approuve pas toutes les idées.
II est inutile de souligner que l’opposition á un humanisme
de la forme indiquée et peut-étre méme plus étendue, tendant á
une culture littéraire générale, vient aussi d’autres cotés que du
milieu strictement théologique: anti-classicisme de principe, hosti-
lité invétérée au latin, fanatisme religieux, méme sans l’appui
d’une théologie, etc.
Mais ici se montre, précisément, ce que nous avons déjá signalé
en partie: l’humanisme prend un sens plus large que celui qui
est défini par l’histoire, une culture littéraire etc. Dans la lutte
contre la violence et l’arbitraire, on invoque souvent l’humanisme
á cóté de la religion, du christianisme. Ce n’est guére, naturelle-
ment, l’humanisme classique ou littéraire; ses représentants, d’ail-
leurs, se sont trouvés comme beaucoup de soi-disant chefs spiri-
tuels succomber aux menaces ou aux tentations du pouvoir —
peut-étre parce qu’ils n’étaient humanistes que de nom. Nous
entendons mieux l’exigence si elle nous vient de poétes (comme
le regretté poéte et savant Nils Svanberg), qui ne proposent pas
un programme exclusivement artistique, d’hommes qui luttent
pour la culture littéraire sur le plan social, de moralistes, etc.
Tous se proclament humanistes, et méme défenseurs de l’huma-