Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Side 54
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LE NORD
ne suis toutefois pas en mesure de me prononcer par expérience
sur cette question. —
La Norvege lutte avec ardeur sur le front humaniste dans
les sciences et dans son enseignement; le fait est incontestable.
La Norvége est un pays démocratique depuis plus longtemps que
les autres pays du Nord. Ce n’est pas ici l’endroit de juger les
différentes formes de gouvernement; je reléve seulement un fait
qu’on semble oublier trop facilement, á savoir que la démocratie
peut étre un régime social qui est imposé par la vie elle-méme,
et qu’elle l’a été précisément dans le cas de la Norvége. Histori-
quement, il est, certes, étroit et trop facile de considérer toute
démocratie comme une décadence et la forme opposée comme
une ascension vers la lumiére et la gloire. A l’heure actuelle, toute
démocratie aurait grand besoin tant d’humanisme que d’humanité
— qu’on leur donne un seul nom ou deux. Il est inutile d’insister.
La Norvége, en tout cas, a eu besoin de la démocratie pour
développer son individualité — ce qui ne veut pas dire, bien
entendu, que tout ce qui s’est passé au cours des derniéres années
ait été de la vraie démocratie. Sans cette forme de vie et de
gouvernement, son histoire aurait été sans doute plus dure — et
moins humaine.
Quant á Yhumanisme dans Vancien sens classique, il a ren-
contré en Norvége, semble-t-il, un peu plus de difficultés que
dans les autres pays nordiques. Il y est étroitement associé, dans
la bonne et dans la mauvaise fortune, á l’université et á son
activité, et la Norvége, comme on le sait, n’a eu une université
propre qu’en 1811. Et en face des considérations d’utilité, la lutte
pour l’antiquité fut plus pénible ici qu’ailleurs. En Suéde, Adolphe
Hedin publia, en 1883, son écrit « Om latin-herraváldet » (La
domination du latin), qui contribua á refouler les études clas-
siques dans l’école; cet ouvrage n’est pourtant plus considéré ni
comme classique ni canonique, et malgré l’intelligence et l’in-
transigeance de l’auteur, il est inutile de s’occuper davantage de
ses nombreux jugements contraires á l’histoire. Il en est tout
autrement en Norvége, ou Alexandre Kielland publia, également
en 1883, le roman « Gift » (Poison). Cette attaque contre la
« domination du latin » est une œuvre littéraire de haute valeur,
et elle a certainement produit sur ceux qui l’ont lue alors un choc
violent, dont il devait étre difficile de se remettre, quelles que
fussent les sérieuses réserves théoriques qu’il fallait formuler quant
au contenu. Un étranger peut trouver parfois que l’impression