Le Nord : revue internationale des Pays de Nord - 01.06.1941, Qupperneq 56
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LE NORD
christianisme. Mais je ne vois pas encore la direction que prendra
l’évolution.
C’est un fait avéré que l’église et le christianisme norvégiens
ont porté un vif intérét aux recherches et aux études scientifiques.
Je ne vois pas bien qui il faudrait nommer en premiére ligne: des
poétes, des collectionneurs, des savants, des prélats d’autorité
ou quelques pasteurs de campagne, mais cette question nous en-
traínerait trop loin dans l’histoire de l’érudition. On est toutefois
en droit de dire que si, en Norvége, la lutte entre les deux puis-
sances a été ápre et dure, il s’est fait aussi une collaboration saine
et harmonieuse.
Cette collaboration, toutefois, n’a pas en général signifié une
égalisation de principe consciente, une réconciliation seulement
de programme, ni une explication radicale comme on pourrait
s’y attendre en Norvége. Pourtant, on a essayé d’y arriver, et cette
tentative s’est traduite dans une œuvre littéraire de génie, qui,
lorsqu’elle parut, devait surprendre beaucoup de personnes, et
qui, par la particularité de sa formule, n’est plus aussi pleinement
remarquée qu’elle devrait l’étre. Je parle du discuté « troisiéme
empire » dans le drame « Empereur et Galiléen » d’Ibsen (1873).
Le mystique Maxime annonce á son jeune éléve princier, lequel,
d’abord sceptique, se laisse gagner de plus en plus par ses paroles,
cet empire qui, construit sur le jardin d’Adam et le Calvaire,
embrassera, paraít-il, la Gréce et la nouvelle foi, l’arbre de la
Science et de la Croix, qui conservera ses couleurs, son abondance
et sa profondeur dans la vie et rachétera tous ceux qui ont failli
par un amour-propre apparent: Ca'in, Judas Iscariote, — et méme
Julien l’Apostat, lequel, en réalité, n’était pas si mystique.
Certes, il n’est pas juste d’interpréter toutes ces paroles ob-
scures du seul point de vue rationel et intellectuel, mais elles
traduisent certainement une grande partie des idées personnelles
du poéte, — ses réves d’une synthése, l’espérance d’une vie spiri-
tuelle, sans luttes pénibles et avilissantes dans des conditions le
plus souvent mesquines et pauvres. Je n’oserais dire comment il
s’est imaginé cette union — personne, en réalité, ne saurait le dire
avec certitude, quoi qu’on prétende á ce sujet, — mais selon toute
vraisemblance, au moment de concevoir son drame, il devait se
représenter une grande part de la Gréce dans l’interprétation
moderne, peut-étre á la fois Apollon et Dionysos. Que, en réalite,
Julien et Maxime aient dans leurs vies et leurs idées trés peu de
la Gréce classique, et, malgré la langue et le nom du philosophe,
une plus grande part de l’Orient, c’est une autre affaire; le fonde-